Pour beaucoup d’entre nous, le débat autour de la révision des lois de bioéthique paraît lointain, complexe et difficile à comprendre. N’y a-t-il pas des sujets de société plus urgents, tels que la réforme des retraites, les questions migratoires, les problèmes écologiques et tant d’autres ? C’est parfois notre opinion
jusqu’au moment où un membre de la famille, un couple ami se trouve confronté à une des questions traitées : fin de vie douloureuse, infertilité, etc… Et nous n’aimons pas voir souffrir nos proches. Qui va leur permettre de traiter ces problèmes ? Nous répondons presque aussitôt : la science et les techniques. Nous sommes vite fascinés par leur progrès. Alors pourquoi ces débats sur ce que les techniques biomédicales rendent possible aujourd’hui ?

Si, avec d’autres, les évêques de l’Église catholique questionnent, ce n’est assurément pas parce qu’ils oublieraient les épreuves traversées par certains de nos proches. Pour être engagée depuis des siècles dans l’accompagnement des malades et des mourants, l’Église se réjouit des avancées de la médecine, des progrès dans la lutte contre la maladie et le traitement des douleurs. Elle soutient et promeut la culture palliative pour entourer les personnes en fin de vie. Pour accompagner des familles, l’Église est témoin de la douloureuse épreuve de l’infertilité d’un couple, du désir de femmes seules, de couples de femmes, d’accueillir
un enfant. Alors, devrait-on se dispenser de questions sur le projet de loi mis au vote au parlement ?

Depuis le lancement des Assises de la bioéthique, et même avant, l’Église catholique dialogue avec les scientifiques, les juristes, les politiques, en particulier par un groupe de travail conduit par Monseigneur d’Ornellas. À Nantes, représentants de différentes paroisses et aumôneries, nous avons eu la chance, il y a un an, de vivre une rencontre avec lui et M. Jacques Ricot, professeur de philosophie, sur les questions que posent les révisions des lois bioéthiques, en particulier l’aide médicale à la procréation ouverte à toutes les femmes. Évêques de France, nous avons signé, personnellement, une déclaration : « Respectons la dignité de la procréation ! ». À la veille du vote au Parlement, nous voulons redire l’émerveillement que suscite le fait de donner la vie à un enfant. Nous redisons aussi les  questions graves que nous posent les pratiques actuelles de l’AMP (Aide Médicale à la Procréation), ainsi que son extension à toutes les femmes : par exemple, les  changements qu’opérerait ce projet de loi sur la filiation humaine, l’accès à ses origines, la prise en compte de « l’intérêt supérieur de l’enfant » (c’est lui en  effet qui est premier, or les débats semblent beaucoup l’oublier) par rapport au projet parental, les risques de marchandisation des dons de sperme ou d’ovocyte,
etc. Encore une fois, si les progrès de la médecine réjouissent, ils n’empêchent pas de se poser des questions : les techniques biomédicales doivent-elles nous affranchir de toutes les limites ? Doit-on se dire toujours : « je peux techniquement le faire, donc c’est bon » ? J’encourage les catholiques du diocèse, soit par des lectures, soit en suivant des parcours de formation, à s’informer, à se former, à éclairer leur conscience, à se manifester et à se respecter. C’est la grandeur et la beauté de toute personne humaine, de pouvoir faire et d’être invitée à faire des choix responsables, discernés en conscience, et de prendre sa part de responsabilité pour que notre monde grandisse dans le respect des personnes, la grandeur de la vie humaine et la fraternité toujours à construire, tenant ferme le lien entre charité et vérité. Et, ainsi, nous rendons grâce au Christ Jésus, venu parmi nous, pour que nous ayons la vie.

+Jean-Paul James
évêque de Nantes
(ELA n° 97 – octobre 2019)