Mon éditorial du mois de juillet donnait le programme pour 2021-2022 : « Frères ensemble en chemin ! »

En ce mois de rentrée, je voudrais l’élargir ainsi : « Frères ensemble en chemin, marchons dans l’espérance ! »

Car le ciel est bien sombre en cette fin d’été ! Je ne pense pas seulement aux nuages qui ont traversé le ciel français en juillet et en août et sans doute fait perdre le moral aux vacanciers, mais à ces autres nuages, bien plus menaçants pour l’équilibre des individus et des sociétés. Il y a le nuage du virus de la COVID 19 qui n’en finit pas de muter. Il fragilise les sociétés, sème la peur et le doute et empêche d’envisager sereinement l’avenir. Il y a les noirs nuages de la situation internationale : Les Talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan ; Haïti, dont la situation politique et sociale est catastrophique, doit faire face à un nouveau séisme ; le Liban s’enfonce dans le chaos… Et, manifestement, l’heure n’est plus à la coopération internationale. Englués dans la gestion de la pandémie et de ses conséquences économiques et sociales, les pays les plus riches semblent vouloir préserver leurs intérêts, au détriment de ceux qui ne peuvent rien sans la solidarité internationale.  Enfin, pour terminer cette météo bien angoissante, il nous faut évoquer l’assassinat du père Olivier MAIRE, Provincial de la congrégation des missionnaires montfortains, qui nous a tous frappés de stupeur.

Comment s’étonner alors que nos contemporains s’inquiètent et doutent : à qui faire confiance ? Que pouvons-nous espérer pour demain ? Et nous autres, disciples du Ressuscité, nous nous surprenons à reprendre les versets du psalmiste : « Seigneur, mon Dieu et mon salut, dans cette nuit où je crie en ta présence, que ma prière parvienne jusqu’à toi, ouvre l’oreille à ma plainte. Car mon âme est rassasiée de malheur, ma vie est au bord de l’abîme ».[1] Comment croire en un Dieu que l’on dit veiller sur chacun de ses enfants, exaucer leurs prières et n’abandonner jamais les petits et les malheureux, quand on est confronté à tant d’injustices et de tragédies ?

Il n’y a pas de réponse, d’arguments, qui nous préservent des interrogations douloureuses et du doute, sinon cette certitude que Dieu a créé ce monde par amour et que cet amour, mystérieusement, travaille le cœur de ses enfants afin que, par eux, « amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent ».[2]

Certes, les injustices et les tragédies du monde, nos difficultés personnelles, peuvent nous faire vaciller. Mais je voudrais faire résonner dans cet éditorial l’acte de foi de Marthe à l’heure de la mort de son frère Lazare. Certes, elle crie à Jésus son dépit, sa colère devant l’injustice : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ! »[3] mais à la fin de son dialogue avec lui, elle s’exclame : « Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois, tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. »[4]

Cet acte de foi de Marthe est aussi le nôtre. La foi chrétienne repose sur cette certitude qu’au cœur des difficultés et des doutes, Dieu, en Jésus ressuscité, se fait le Dieu de la vie, le Dieu de l’espérance. Le Pape François dans « Fratelli Tutti », au n°55, nous interpelle : « J’invite à l’espérance qui nous parle d’une réalité qui est enracinée au plus profond de l’être humain, indépendamment des circonstances concrètes et des conditionnements historiques dans lesquels il vit. Elle nous parle d’une soif, d’une aspiration, d’un désir de plénitude, de vie réussie, d’une volonté de toucher ce qui est grand, ce qui remplit le cœur et élève l’esprit vers les grandes choses, comme la vérité, la bonté et la beauté, la justice et l’amour. […] L’espérance est audace, elle sait regarder au-delà du confort personnel, des petites sécurités et des compensations qui rétrécissent l’horizon, pour s’ouvrir à de grands idéaux qui rendent la vie plus belle et plus digne. Marchons dans l’espérance ! »

L’Esprit du Ressuscité agit en ce monde pour qu’à travers tout ce qui lui fait du mal et cherche à le détruire, la vie jaillisse. Et si, cette année, nous prenions le temps de repérer l’Esprit à l’œuvre en celles et ceux qui, au plus proche de nous, dans notre quartier, notre village, notre paroisse, notre mouvement d’Eglise, dans nos engagements divers, s’engagent pour plus de fraternité afin que renaisse l’espérance ? Et si, cette année, nous répondions à l’appel du Pape François : « Le Seigneur est actif et à l’œuvre dans ce monde. Sortez donc dans les rues et allez aux carrefours : tous ceux que vous rencontrerez, appelez, sans exclure personne. Accompagnez surtout ceux qui sont restés au bord de la route (…) Où que vous soyez, ne construisez jamais des murs ni des frontières, mais des places et des hôpitaux de campagne. »[5]

Oui, en cette année 2021-2022, « Soyons frères ensemble en chemin, marchons dans l’espérance ! »

 

Mgr Laurent PERCEROU
Évêque de Nantes
paru dans ELA n° 117 – septembre 2021

 


[1] Psaume 87
[2] Psaume 84
[3] Jean 11, 21
[4] Jean 11, 27
[5] Pape François Discours aux participants du 5ème congrès de l’Eglise italienne – 10 novembre 2015