(@photo : Le Pérugin (~1448 -1523) – La remise des clés à Saint Pierre, Fresque (~1481) – Mur nord de la Chapelle Sixtine)

La liturgie nous touche au cœur. Ce fut le cas lors de l’Eucharistie du 27 septembre dernier lorsque la Parole de Dieu fut proclamée[1] :

Dieu, dans le Livre de Zacharie, exprimait son désir de pouvoir contempler le Peuple d’Israël enfin rassemblé, enfants et adultes, jeunes et vieux, s’accueillant et se respectant dans une même fête : « Ainsi parle le Seigneur de l’univers : Les vieux et les vieilles reviendront s’asseoir sur les places de Jérusalem, le bâton à la main, à cause de leur grand âge ; les places de la ville seront pleines de petits garçons et de petites filles qui viendront y jouer. Ainsi parle le Seigneur de l’univers : Si tout cela paraît une merveille aux yeux des survivants de ce temps-là, ce sera aussi une merveille à mes yeux – oracle du Seigneur de l’univers. » Dans l’évangile de Luc, Jésus nous invitait à le reconnaître et à l’accueillir dans l’enfant fragile et dépendant. Les enfants, et avec eux toutes celles et ceux qui sont fragiles, doivent avoir la première place parce que c’est celle qu’ils occupent dans le cœur de Dieu : « Jésus (…) prit un enfant, le plaça à côté de lui et leur dit : « Celui qui accueille en mon nom cet enfant, il m’accueille, moi. Et celui qui m’accueille accueille celui qui m’a envoyé. En effet, le plus petit d’entre vous tous, c’est celui-là qui est grand. »

Comment, à la lecture de ces textes de l’Écriture, ne pas être touché au cœur alors que le 5 octobre le rapport de la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Eglise (CIASE) sera rendu public ? Ce rapport sera lourd de la souffrance des victimes abusées dans leur enfance, dans leur jeunesse. Nous réaliserons la justesse des propos du Pape François quand il nous écrivait dans sa Lettre au Peuple de Dieu : « La douleur des victimes est une plainte qui monte vers le ciel, qui pénètre jusqu’à l’âme et qui, durant trop longtemps, a été ignorée, silencieuse ou passée sous silence. Mais leur cri a été plus fort que toutes les mesures qui ont entendu le réprimer ou bien qui, en même temps, prétendaient le faire cesser en prenant des décisions qui en augmentaient la gravité. »[2]

Oui, la publication de ce rapport provoquera, à juste titre, tristesse, colère, blessure et honte. Nous aurons « le cœur humilié » mais c’est avec humilité que nous devrons l’accueillir. Il sera, en effet, pour l’Église de France, une étape essentielle dans le processus qu’elle a déployé ces dernières années pour qu’elle soit une « maison sûre ». La commission sur les abus sexuels, mise en place par les évêques de France, a travaillé en toute indépendance. Sa feuille de route était la suivante : quantifier le nombre de situations d’abus sexuels depuis 1950 ; comprendre ce qui s’est passé ; préconiser des actions.

Grâce à ce rapport, nous pourrons assumer notre passé, analyser et comprendre les fautes qui ont été commises et ajuster les décisions qui ont été votées par les évêques lors de l’Assemblée Plénière de mars dernier, tout particulièrement pour la prévention, l’accompagnement des victimes et le suivi des auteurs de ces actes.

Le Pape François, s’adressant aux jeunes dans la récente exhortation apostolique post-synodale « Christus, vivit »[3], leur disait : « Souvenons-nous qu’on n’abandonne pas une Mère lorsqu’elle est blessée, mais on l’accompagne pour qu’elle trouve en elle toute sa force et sa capacité de toujours recommencer ! »

Nous sommes les enfants de cette mère blessée, l’Église, unis dans une même fraternité. Aussi, le péché de quelques-uns qui vient humilier tout le corps de l’Église, c’est à nous tous de le porter, de l’éradiquer et de faire en sorte que l’Église brille à nouveau de la pureté de l’Évangile. C’est avec espérance que nous devons nous engager car l’Esprit continue d’agir dans notre Eglise, malgré le mal qui la fait chuter. En ces semaines de rentrée, j’en suis le témoin émerveillé ! Rien ne peut tuer l’Esprit de Dieu, rien ne peut l’arrêter… Nous devons entendre pour nous-même ce que Jésus disait à Pierre : « Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et la puissance de la mort n’aura pas de force contre elle. »[4]

Mgr Laurent PERCEROU
Évêque de Nantes
paru dans ELA n° 118 – octobre 2021

 


[1] Zacharie 8, 1-8 ; Luc 9, 46-50
[2] Pape François, Lettre au Peuple de Dieu, 20 août 2018
[3] Pape François, exhortation « Christus vivit », n° 100 et 101
[4] Matthieu 16, 18