Alors que nous venons de célébrer la fête de tous les saints et prier pour nos défunts, comment ne pas faire mémoire de ce qui s’est passé et se passe encore aujourd’hui en cette Terre que nous qualifions de Sainte parce que Dieu s’y est révélé et qu’il y a pris chair en Jésus son Messie ? En cette terre où Dieu a scellé son Alliance avec l’humanité, ils sont des milliers de bébés, d’enfants, d’adultes en pleine force de l’âge ou marqués par les épreuves de la vieillesse et de la maladie, à avoir péri et à périr encore à l’heure où j’écris ces lignes… Les uns sous les coups de la folie terroriste du Hamas pour le simple fait qu’ils sont juifs, les autres, palestiniens, emportés dans la spirale d’inévitables représailles d’une grande violence.

Je me permets de citer ici Marie-Armelle Beaulieu, rédactrice en chef de la revue Terre Sainte magazine et qui vit à Jérusalem : « Je ne suis ni israélienne ni palestinienne. Je ne prétends pas être neutre. Je prétends – comme l’ont dit les papes venus ici – que ce pays a besoin de ponts et non de murs. Je revendique de pleurer sur tous les morts, sans distinction de sexe, de religion, de parti politique (…) Ma voie, ici, est celle d’une suite du Christ assumée. Ma voie, ici, est de vivre des Évangiles et de m’en nourrir. Ma voie, ici, est la contemplation de la croix et celle du vide du tombeau, avec la sérénité que donne aux heures les plus sombres cet acte de foi : “ Le Christ est ressuscité des morts ! Par la mort il a vaincu la mort ! et il a donné la vie à ceux qui sont dans les tombeaux ! ” » 1

Marie-Armelle Beaulieu, dans ces quelques lignes, nous rappelle que nous fondons notre espérance sur un homme crucifié, Jésus de Nazareth, que nous confessons Fils de Dieu. En Lui, nous reconnaissons le visage de miséricorde de ce Dieu que nous appelons Père. Il a vécu cette miséricorde jusqu’à donner sa vie tant il désirait que chacun, quel qu’il soit, se découvre aimé de Dieu et puisse vivre de cet amour. C’est pourquoi nous croyons que, sur cette croix, il prend sur lui toutes les souffrances de l’humanité, celles de nos frères et sœurs juifs et palestiniens, sans distinction et tous ensemble, et il nous demande de pleurer et de prier pour eux, sans distinction et tous ensemble.

La croix n’a pas été le dernier mot de sa vie : il a triomphé de la mort, du mal et de la violence, il est ressuscité et vivant au cœur de ce monde. Alors nous avons cette certitude qu’il est engagé, par son Esprit-Saint, aux côtés des hommes et des femmes de bonne volonté qui s’engagent aujourd’hui pour la paix et la fraternité en cette Terre Sainte et qui savent que le
mal n’aura jamais le dernier mot !

Alors, pour reprendre les propres paroles de Jésus, « Restons en tenue de service et gardons nos lampes allumées », la lampe de l’espérance, au cœur de la nuit de la haine et de la violence ; la tenue de service, du service de l’homme, du frère, de la sœur en humanité, quels que soient sa religion, sa nationalité, son origine sociale, son histoire… qui partage le même souffle de vie que le mien et qui aspire, tout comme moi, à aimer et à être aimé.

Oui, heureux serons-nous si nous gardons cette lampe allumée et si nous demeurons en tenue de service, car alors, lorsque viendra l’heure que nul ne connaît, de quitter cette terre, nous n’aurons pas vécu en vain. Nous aurons apporté notre pierre à la construction de notre «  maison commune ». Elle sera, grâce à nous, plus habitable, plus fraternelle, en un mot plus humaine. Dieu se réjouira ! Nous l’espérons… Il nous fera passer à table et c’est lui qui nous servira. N’est-ce pas cette espérance que nous avons fêtée en cette Toussaint ? Cette communion des saints qui nous est promise…

Mgr Laurent PERCEROU
Évêque de Nantes
paru dans ELA n° 141 – Novembre 2023

 


1. Journal La Croix, 13 octobre 2023