©photo : « Le Christ dans le désert  » par Ivan Kramskoï (1872), Galerie Tretiakov, Moscou (Russie)

Il y a deux semaines, nous entrions en Carême… Ce temps de grâce où nous sommes invités à nous laisser regarder par Dieu ! Lors de la messe des Cendres, Jésus nous a dit que Dieu nous voyait dans le secret, le secret du cœur. Dans la Bible, le cœur est ce lieu où réside l’essentiel. Alors, notre Carême permettra-t-il à Dieu de rassasier nos faims d’essentiel ?

Laissons creuser en nous la faim de Dieu et la prière pourra assouvir cette faim. Dans la prière, nous entrons en relation avec Dieu et il entre en relation avec nous. Durant ces semaines qui nous séparent de la grande nuit pascale, prenons le temps de l’écouter, de le regarder et de savourer le silence dans une prière communautaire, à la messe du dimanche mais également aux temps forts
qui sont organisés dans nos paroisses et nos mouvements d’Église, dans la prière personnelle, « en nous retirant au fond de la maison, en fermant notre porte, et en priant Dieu qui est présent dans le secret. »

Laissons creuser en nous la faim de l’amour fraternel, et la charité authentique pourra assouvir cette faim. Des frères et sœurs crient famine parce qu’ils sont empêchés de vivre debout, manquant du minimum pour vivre. Nous voilà invités, en ces semaines de carême, à écouter ces cris et chercher comment y répondre, selon nos moyens. Le 5e dimanche de carême, comme chaque année, le CCFD-Terre Solidaire qui est le service de l’Église de France pour l’aide au développement international, lancera dans nos communautés son appel annuel. Face aux crises alimentaires qui éclatent un peu partout dans le monde, il sollicitera notre solidarité et notre fraternité. Serons-nous au rendez-vous ?

Des frères et sœurs crient famine, ils sont égarés sur leurs routes humaines, parce qu’ils ne savent plus ni d’où ils viennent ni où ils vont. Rencontreront-ils, à travers nous, des hommes et des femmes de conviction qui ne leur imposeront rien mais qui oseront leur dire que celui qui les anime et les fait vivre a un nom et un visage : Jésus le Christ, et qu’il peut donner sens à leur existence ?

Laissons creuser en nous la faim de la vraie liberté en Dieu, et le jeûne pourra assouvir cette faim. Le jeûne fait de nous des êtres libres, non dépendants des choses de la terre, capables de lever les yeux vers le Christ avec un cœur de pauvre, ouvert à son appel. L’homme libre est l’homme disponible à l’imprévu, à l’imprévu de Dieu. Puissions-nous faire, durant ce carême, l’expérience de la liberté en abandonnant volontairement ce qui nous retient, ce qui nous paralyse, ce qui nous ferme les yeux, les oreilles et le cœur. Si nous jeûnons pour jeûner, nous risquons d’avoir une « mine défaite », comme le dit Jésus, mais si nous jeûnons pour être des hommes et des femmes libres et disponibles, notre visage sera pleinement humain.

Durant ces semaines de carême, laissons Dieu nous regarder et prenons le temps de le contempler dans le visage de Jésus son Fils, dans sa Parole, dans ses gestes. Alors, nous pourrons accueillir avec un cœur disponible sa vie nouvelle au jour de Pâques.

Mgr Laurent PERCEROU
Évêque de Nantes
paru dans ELA n° 145 – Mars 2024