Lumière dans la nuit
Nous voilà en Avent et la lumière de Noël brille déjà à l’horizon ! Nous nous réjouissons de la joie que cette fête viendra inscrire en nos vies : joie pour les chrétiens de fêter la venue de Dieu en humanité, joie pour bon nombre de nos contemporains de retrouver familles et amis dans l’amour et l’amitié partagés, oubliant pour quelques heures les tracas du quotidien.
Pourtant nous sommes inquiets, nos contemporains sont inquiets : pandémie, difficultés économiques et sociales, tensions internationales, crise des abus sexuels dans l’Église… Et la liste est encore longue des motifs d’inquiétude… Oui, nous sommes inquiets ! Comment espérer en l’homme et en sa capacité à transformer ce monde pour qu’il devienne cette « oasis de Miséricorde » que le pape François appelait de ses vœux à l’occasion du Jubilé de la Miséricorde ? À quoi bon s’attendrir devant l’enfant de Bethléem ? À quoi bon faire la fête alors que le monde est en hiver et que les promesses de printemps se font attendre ?
L’enfant que les chrétiens fêtent à Noël est un réfugié, venu au monde en une contrée qui n’était pas le sienne. Il dut fuir en Égypte pour échapper aux persécutions d’Hérode. Son peuple était soumis au joug de l’occupant romain qui faisait peser sur lui sa domination par la violence. Un enfant réfugié, un enfant persécuté dans une nation occupée mais dont la mission sera de faire advenir un Royaume de paix et de fraternité, de sauver ce monde du mal et de la mort… Curieux paradoxe !
C’est pourtant ce paradoxe qui explique que Noël soit la fête de la joie et de l’espérance ! Les premiers disciples de Jésus ont reconnu en lui le Christ, le Messie de Dieu, qui accomplit la promesse de libération et de salut portée par le peuple d’Israël. Souvenez-vous de la prophétie d’Isaïe qui sera proclamée dans la nuit de la Nativité : « Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant toi, comme on se réjouit de la moisson, comme on exulte au partage du butin. Car le joug qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés comme au jour de Madiane. Et les bottes qui frappaient le sol, et les manteaux couverts de sang, les voilà tous brûlés : le feu les a dévorés. Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! »
Pour les chrétiens, cet enfant réfugié, persécuté, est l’Envoyé de Dieu venu partager, pour la sauver, la vie des hommes en ce qu’elle a d’épreuves, de souffrances et d’échecs. Dans la pauvreté de sa naissance, tout au long de sa vie et par sa mort et sa résurrection, il donne à chacun un avenir avec Dieu et l’appelle à s’engager à sa suite pour que s’édifie le Royaume qu’il est venu inaugurer.
Aussi, je voudrais vous partager mon espérance. Elle est ancrée dans ma foi en ce Dieu qui a fait le choix, à Noël, de se faire le frère de tous les hommes, y compris des plus fragiles : réfugiés, jeunes précaires, chômeurs, familles abîmées par les épreuves, victimes d’abus, personnes âgées isolées, malades… Cette espérance, d’autres que les chrétiens la portent. Elle habite le cœur d’hommes et de femmes de bonne volonté engagés sur le vaste et beau chantier de la fraternité, dans notre Église, nos communes, dans le réseau associatif, dans le monde de l’éducation, dans l’engagement syndical et politique… Oui, là est notre espérance : l’Esprit de ce Dieu qui s’est fait homme en la nuit de Noël travaille ce monde à la manière du levain, mystérieusement…
Alors que nous nous préparons à accueillir « L’Emmanuel », « Dieu avec nous », je conclurai par ces paroles de Jésus, « Restons en tenue de service et gardons nos lampes allumées », la lampe de l’espérance, quand la nuit paraît tout envahir ; la tenue du service du frère, de la sœur en humanité. Nous contribuerons alors à la réalisation du désir que Dieu portait en se faisant petit enfant à Bethléem : « Aujourd’hui vous est né un Sauveur dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. (…) Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste, innombrable, qui louait Dieu en disant : Gloire à Dieu au plus haut des Cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. » (Luc, 2, 13-14)
Mgr Laurent PERCEROU
Évêque de Nantes
paru dans ELA n° 120 – décembre 2021