Pourquoi Jésus ressuscité donne-t-il rendez- vous aux apôtres en Galilée ? Souvenez- vous : au début de son ministère, il avait voulu aller aux frontières, en Galilée, ce « carrefour des païens » comme l’avait surnommée le prophète Isaïe. Aussi, Jésus décida d’habiter Capharnaüm, une ville douanière, remplie d’étrangers et de non-juifs, située sur les bords du lac de Galilée, étape sur la route de la mer entre Damas et Césarée-Maritime. Ce choix était réfléchi. Jésus va en Galilée, à Capharnaüm, pour accomplir la volonté de son Père : annoncer que le Royaume de Dieu est pour tous, juifs et païens, hommes et femmes, riches et pauvres et que personne ne sera exclu du Salut. Ce n’est donc pas un hasard si, une fois ressuscité, il donne rendez-vous en Galilée ! Sa mission a commencé là, c’est de là qu’il envoie ses disciples en mission, dans la promesse de sa fidélité : « Et moi, je serai avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ! » (Évangile de Matthieu 28, 20).

Nous voilà donc invités par le Christ Ressuscité à le rejoindre en Galilée, aux « périphéries » si nous voulons parler la langue du pape François. Et pour y faire quoi ? Pour construire des carrefours afin de permettre à nos contemporains d’emprunter la route de l’Évangile. Se tenir au carrefour, c’est rayonner l’Évangile par notre manière d’être et de nous situer en disciple du Ressuscité au cœur des débats, des luttes et des progrès qui animent la société et le monde. Jésus n’a pas fait autre chose durant son passage au milieu de nous : il a annoncé le Royaume, il a accueilli les pauvres et les affligés et les a remis debout, il a guéri, il a pardonné, il a partagé simplement la vie des gens pour mieux leur révéler qu’elle est appelée à la Joie.

Il y a tant de plaies à panser, tant d’injustices à redresser, tant de cœurs meurtris mais aussi tant de générosité à encourager, à conforter… La fête de Pâques nous appelle à investir ces « Galilée » du quotidien : toutes ces petites actions qui ne font pas de bruit, les sourires d’encouragement discrets, les mains tendues qui ne demandent aucune publicité, la parole claire et juste quand nous sentons que nos interlocuteurs « s’emportent à tous vents de doctrine » (Lettre de Paul aux Éphésiens 4, 14).
La Bonne Nouvelle de la résurrection nous invite également à regarder cette large « Galilée » que sont notre société et notre monde. Au-delà des commentaires trop rapides de nos journaux et de nos chaînes d’information continue, nous devons prendre les moyens de comprendre et d’analyser à la lumière de l’espérance pascale les évolutions sociales et politiques – à commencer par cette pandémie dont nous n’avons pas fini d’analyser les conséquences – ainsi que les bouleversements géopolitiques. Ces évolutions et ces bouleversements entraînent en effet des déséquilibres destructeurs avec leurs lots de tensions qui conduisent parfois à l’injustice, à la violence, aux conflits… Disciples du Ressuscité, nous portons l’espérance d’une humanité réconciliée et nous voilà, à chaque fête de Pâques, invités à nous engager pour que cette espérance se donne à voir dès aujourd’hui.

La fête de la Résurrection du Christ n’est donc pas une fable pour enfants crédules ou l’ultime miracle de Jésus ! C’est Dieu qui vient tuer la mort et nous assurer que nous vivrons avec lui pour toujours, là réside notre espérance. Les disciples du Ressuscité sont invités à porter haut cette espérance en s’engageant résolument au coeur des « Galilée », des périphéries de cette société et de ce monde, pour qu’au nom du Christ ressuscité recule tout ce qui fait mal à l’homme et pour que se construise cette terre plus juste et plus fraternelle que les chrétiens appellent le Royaume de Dieu. Joyeuses fêtes de Pâques !

Mgr Laurent PERCEROU
Évêque de Nantes
paru dans ELA n° 113 – avril 2021