(©photo : Nativité par Giotto di Bondone (1266 – 1337) – chapelle des Scrovegni à Padoue)

Nous lisons dans le Prologue de l’Évangile de Jean, au chapitre 1, verset 14 : « Le Verbe – c’est-à-dire la Parole de Dieu – s’est fait chair, il a habité parmi nous. » Cette Bonne Nouvelle sera proclamée dans nos églises, le jour de Noël. Nous fêterons ce Dieu qui se fait l’un de nous, qui vient épou­ser notre chair, c’est-à-dire notre condition humaine. Il n’est plus le Dieu lointain qui ne peut être vu sous peine d’être transformé en statue de sel ou de périr dans la Géhenne ! Souvenez-vous de Moïse, au buisson ardent, qui se voila le visage car il croyait qu’il ne pouvait regarder Dieu sans mourir. À Noël, Dieu se laisse contempler, il entre dans le monde, il se fait le « tout proche ».

On le croyait inaccessible, colérique et ter­rifiant, il se fait enfant, fragile et dépendant. Marie, Joseph, les bergers, les mages ont pu le voir, le toucher, prendre soin de lui, s’ébahir devant sa beauté – car tout enfant brille de la beauté de l’innocence. Et cette proximité de Dieu n’est que douceur, humilité et profond respect : à Bethléem, la venue de l’Enfant-Dieu est saluée par le chant des anges, et aux bergers effrayés par tant de déploiements, ils disent : « Ne craignez-pas ! » Alors, c’est librement, joyeusement, que les bergers et les mages viennent l’honorer. Lorsqu’il sera grand, il laissera toujours libre de le suivre ou non, ceux qu’il appellera à sa suite : « Si tu veux… », « Viens et vois… »

Dieu nous rejoint dans un enfant, il nous de­mande de l’accueillir. Que peut faire en effet un enfant sans la présence d’adultes à ses côtés pour l’éduquer à la vie ? Il attend donc que nous lui ouvrions notre maison, c’est à dire notre vie, et que nous prenions soin de lui. Il fait appel à notre cœur, il vient parmi nous en disant : « Y aurait-il une place pour moi, pour que je puisse habiter chez toi ? » Accueillir Jésus chez nous, c’est grand, tel­lement grand… Le Sauveur du monde, petit, nu et fragile, espère en la chaleur de notre logis. Accepterons-nous de rejoindre Marie, Joseph, les bergers et les mages qui prirent soin de lui pour qu’un jour, devenu grand, il soit fort et solide et que, par lui, se donne à voir, jusque dans la mort, l’amour de Dieu son Père, devenu notre Père ?

Le prologue de l’Évangile de Jean nous dit aussi que « les siens ne l’ont pas accueilli ». Les siens, ceux qu’il a croisés sur les chemins, à commencer par l’aubergiste de Bethléem qui envoya ses parents dans une misérable étable : « Il n’y a pas de place pour vous… » Et sans doute chacun de nous aussi, quand nous fermons les portes et les volets de nos maisons pour nous réfugier dans le désespoir, ou que nous les désertons pour fuir ailleurs et nous perdre dans une vie superficielle. Il frappe à notre porte : « Y aurait-il une place pour moi ? » Laisserons-nous entrer l’Enfant-Dieu, laisserons-nous entrer l’amour-même de Dieu afin qu’il éclaire notre maison, de la cave au grenier, et qu’elle devienne vraiment Bethléem, mot hébreu qui signifie « la maison du pain », du pain partagé, du pain offert et reçu, la maison de la fraternité… À Noël, Dieu se fait fraternel pour que nous établissions avec lui une terre de fraternité.

Ne nous laissons pas happer par cette fausse joie de Noël qui se déploie sur nos écrans, sur les affiches de nos zones commerciales… Elle est vulgaire, clinquante et agressive. Elle pas­sera vite et laissera parfois un goût amer car lorsque sera loin le vertige de la fête, notre pauvre quotidien n’en sera que plus insuppor­table. La vraie joie de Noël n’est pas superfi­cielle, elle est profonde et durable, à la condi­tion que soit reçu chez nous l’Enfant-Dieu et que nous le mettions à la première place. Ain­si firent Marie et Joseph. Et la joie qui emplira Marie à la vue de son fils nouveau-né ne la quittera jamais. Pourtant, les épreuves furent nombreuses, de l’exil en Égypte jusqu’à son cri de douleur, au pied de la croix, à l’heure de l’agonie du fils aimé. Parce que la joie n’est pas que rire et chanson, elle est grave et dou­loureuse, cri et révolte, mais elle est joie parce qu’elle est espérance, espérance en ce Dieu qui s’invite chez nous pour ouvrir notre vie à l’horizon de la résurrection.

Alors, en cet Avent et en ce Noël 2024, ou­vrons nos portes au Christ ! En lui, Dieu nous rejoint pour mêler sa vie à la nôtre et nous emporter dans son amour. Comment pour­rions-nous refuser ?

Mgr Laurent PERCEROU
Évêque de Nantes
Éditorial de la revue ELA n° 153 de décembre 2024