C’est peut-être ce que les apôtres se sont écriés au Cénacle, au soir de la Pentecôte, après avoir reçu l’Esprit Saint. Libres de la liberté des enfants de Dieu. Affranchis de cette expérience du quotidien où si souvent, « je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas. » (Rm 7, 19), avec ses conséquences déclinées à l’infini… trouble, confusion, divisions, injustices…

L’Esprit du Christ ressuscité est l’Esprit de lumière qui oriente notre esprit vers le bien. Il est l’Esprit de force, un élan qui nous permet de l’accomplir. « Enfin libres » !

Notre aspiration la plus profonde est de vivre de la liberté de l’Esprit Saint en nos vies concrètes, ce « mélange étourdissant d’urgence, de devoirs, d’envies, de besoins, de fatigues, de convictions, de nécessités, de fantaisies, de désirs, d’inhibition, de tentations, d’attachements, d’ambitions et de réflexes » (Adrien Candiar).

En ces jours de déconfinement, alors que nous retrouvons progressivement la liberté de nos mouvements, nos « libertés individuelles » se heurtent à un certain nombre de limitations – transports, commerces, lieux d’activités professionnelles ou écoles ; accès aux hôpitaux, aux maisons de retraite ou lieux de culte ; participation à l’eucharistie…

Avec, à chaque fois, la même question, récurrente. Comment articuler notre liberté individuelle avec le souci du bien commun – le respect de tout homme, jeune ou âgé, bien portant ou fragile, en toutes ses composantes, physiques, psychiques et spirituelles ? Notre légitime besoin d’autonomie se rebelle. Des questions se posent. Des arguments s’échangent. Nous sommes parfois mis devant des cas de conscience pour rester fidèles à notre « être chrétien » et notre « agir chrétien ».

L’Esprit Saint ne fait pas de nous des esclaves, mais des hommes libres (cf. Rm 8, 15) !

La grande affaire de notre existence se situe en ce point précis, dans les moyens à prendre pour se laisser chaque jour conduire davantage par l’Esprit de paix et d’audace, l’Esprit de consolation et de concorde, l’Esprit de lumière et de force.

L’Esprit de vérité. L’Esprit d’unité. Mais comment, chaque jour, être davantage dociles à l’Esprit Saint ? Un maître spirituel de notre temps, le bienheureux père Marie Eugène de l’Enfant Jésus, nous donne trois pistes : le silence, le don de soi et l’humilité.

Nous serons d’autant plus libres – de la liberté des enfants de Dieu – que chaque jour, nous ferons silence. « Le Père n’a qu’une Parole, c’est son Fils. Il l’a dit dans un éternel silence, c’est dans le silence de l’âme qu’elle se fait entendre » (saint Jean de la Croix).

Nous serons d’autant plus libres que chaque jour, nous nous donnerons. La liberté que nous offre l’Esprit Saint fait de nous, selon son Amour, des serviteurs de Dieu. Elle nous met au service les uns des autres. Dans une tribune récente, les responsables de plusieurs associations (Foi et lumière, Secours Catholique, Maison Lazare, Habitat et Humanisme…) nous exhortaient à « sortir » résolument vers les affamés, les assoiffés, les malades, ceux qui restent confinés dans leur prison, les endeuillés… C’est par eux que le Christ nous rejoint et rend notre cœur tout brûlant.

Nous serons d’autant plus libres que, chaque jour, nous désirerons être des humbles. Et s’il faut, dans le contexte actuel, faire des travaux pratiques, l’humilité consiste peut-être aujourd’hui à chercher, à tâtons, avec les responsables de la société civile, de la santé, de l’économie, comment faire émerger un nouveau monde. À notre place – et avec notre regard de foi – portés par une espérance inébranlable.

« Si donc le Fils vous rend libres, réellement vous serez libres » (Jn 8, 36).

Père Sébastien de Groulard,
éditorial revue diocésaine juin 2020