Le 22 janvier 2025, en soirée, Monseigneur Laurent Percerou, avec le Service Diocésain des Relations avec les Musulmans, le Service de la Diaconie, a invité les Présidents des Mosquées et Centres Culturels Musulmans, les imams, les aumôniers d’hôpitaux et de prison, de Loire Atlantique à vivre une rencontre fraternelle, afin de mieux faire connaissance, partager nos expériences de rencontres et souligner les enjeux du dialogue islamo-chrétien pour aujourd’hui et pour l’avenir. Nous avions aussi invité des musulmans avec qui nous sommes en lien régulièrement dans nos quartiers ou associations.

Nous nous connaissons déjà et avons tissé des liens de profonde amitié et confiance, depuis de nombreuses années, avec beaucoup d’entre eux. Ainsi c’est avec beaucoup de joie que nous participons aux repas de rupture de jeûne (Iftar) durant le Ramadan. Des visites de lieux de culte entre chrétiens et musulmans, des rencontres dans les établissements pour les élèves ou auprès des futurs professeurs et directeurs de l’Enseignement Catholique, dans les paroisses, les associations ou lors d’événements culturels, artistiques ou de travaux universitaires. Des jeunes adultes chrétiens et musulmans ont été aux rencontres islamo-chrétiennes de Taizé (juillet) ; nous aimons nous retrouver aussi pour le week-end interreligieux de Saint-Jacut fin janvier ou au pèlerinage islamo-chrétien de Vieux Marché en juillet ou lors des Forums islamo-chrétiens annuels de la Province de l’Ouest. Chrétiens et musulmans du diocèse de Nantes, nous sommes allés aux Rencontres Méditerranéennes à Marseille, clôturées par la venue du pape François et la remise du Manifeste pour une Théologie depuis la Méditerranée. Plus de 75 musulmans avec beaucoup de jeunes, de femmes ont répondu à cette invitation à la Maison Diocésaine. Une quarantaine de Catholiques étaient aussi présents. Cette soirée, après un temps d’accueil par notre évêque, a débuté, pour les croyants musulmans, par leur dernière prière du soir (Maghreb et ’Ichâ’). Puis il y a eu un temps de prise de paroles des responsables chrétiens et musulmans. Nous avons fait mémoire de ceux qui nous ont précédé dans ce dialogue : frère Michel et Célestin, moines à Tibhirine, frère Gwénolé Jeusset (ofm), Père Jean Levant et de toute l’histoire de ce dialogue, d’amitiés entre chrétiens et musulmans dans la région de Nantes, depuis plus de 70 ans : les musulmans s’en souviennent et expriment de la gratitude.

Nous avons évoqué en début de soirée le contexte actuel préoccupant : commémoration de la libération du camp d’Auschwitz il y a 80 ans ainsi que la situation humaine dramatique actuelle au Proche et au Moyen-Orient ainsi qu’en Afrique, en Ukraine… situations qui malheureusement conduisent à des stigmatisations de nos communautés, à des rejets, des replis identitaires, récupérés. La nécessité de nous rencontrer en tant que croyants, de mieux nous connaître pour faire tomber les préjugés est d’autant plus importante, vitale. C’était une joie de se retrouver si nombreux, rassemblés ensemble pour vivre ce temps de fraternité. Nous y avons vu chrétiens et musulmans un signe d’espérance en ces temps troublés marqués par la violence, l’intolérance et le repli sur soi. Des musulmans ont même parlé de « bénédiction » la joie de se retrouver ainsi.

Ensemble un chemin de fraternité est possible et nous pouvons témoigner que le dialogue, l’écoute et la découverte de l’autre sont source d’enrichissement et d’estime mutuelles qui conduisent à la paix. Monseigneur Percerou a cité le pape François lors de sa rencontre de la communauté musulmane de Bologne en juin dernier : « Jésus nous a appris à nous accueillir les uns les autres comme des frères. Cela s’applique avant tout à nous, chrétiens, juifs et musulmans, qui adorons le Dieu unique et qui nous référons, bien que de manière différente, à Abraham comme Père dans la foi. Dans le monde d’aujourd’hui, notre témoignage de fraternité est indispensable et très précieux » ; « nous sommes appelés à être ouverts et accueillants envers ceux qui ne partagent pas la même foi que nous, parce qu’ils sont, comme nous tous membre de l’unique famille humaine ». Le pape François ne cesse d’inviter au dialogue et à oser, sans crainte, la rencontre : « le dialogue sincère et respectueux entre chrétiens et musulmans est un devoir pour nous qui voulons obéir à la volonté de Dieu ». « La volonté d’un Père est que ses enfants s’aiment, s’entraident et que si une difficulté ou un malentendu surgit entre eux, ils parviennent à un accord avec humilité et patience ». Il a rappelé enfin le caractère sacré de chaque personne humaine et donc le respect que nous devons avoir de la conscience personnelle : « le dialogue passe par la reconnaissance effective de la dignité et des droits de chaque personne ». Au premier de ces droits figure celui de la liberté de conscience et de religion. « Le croyant doit se sentir libre de proposer mais jamais d’imposer sa propre religion à d’autres personnes, croyantes ou non. Cela exclut toute forme de prosélytisme ». Là est en effet la condition d’une rencontre authentique qui enrichit chaque partenaire et lui fait découvrir la richesse de l’autre. Pour François, le monde « en particulier à ce moment de l’histoire, a besoin de croyants cohérents et fortement engagés dans la construction et le maintien de la paix sociale et mondiale ». Telle est la foi qu’ont partagé aussi les invités chrétiens et musulmans.

Nous avons rappelé que le nom de Dieu dans nos religions respectives est un nom de Paix. Nous n’oublions pas toutes les familles endeuillées qui ont tout perdu ou qui attendent le retour d’un proche dans les régions du Proche et du Moyen-Orient. Nous avons prié pour que Jérusalem demeure une terre sacrée pour tous les enfants d’Abraham musulmans, juifs et chrétiens et qu’une paix juste s’instaure, dans le respect des droits de chacun. Nous avons redit que le but de ces moments privilégiés de rencontres n’était pas de convaincre l’autre que nous avions raison, mais de découvrir dans le respect et l’amitié ce qu’il y avait de beau et de profond dans sa religion et dans sa foi. Le père Gérard Epiard du SDRM a offert pour ce début d’année 2025 ses vœux de « Paix, Salam et j’ose ajouter Shalom ! » a-t-il dit. Puis nous avons partagé un bon repas, temps privilégié de rencontres toutes simples entre chrétiens et musulmans où chacun était heureux de se retrouver réunis. Beaucoup ont pris la parole pour remercier, partager l’importance de ce dialogue islamo-chrétien et de ces moments fraternels. Enfin nous avons remis à chacun, souvenir de cette très belle soirée, un marque page avec l’image du Jubilé de l’Eglise catholique avec d’un côté le phare de Paimbœuf, la barque de l’Eglise et cette invitation à être « Pèlerins d’Espérance ». Au verso le message suivant : « la rencontre et le dialogue entre chrétiens et musulmans, citoyens et croyants : un chemin d’avenir, de fraternité et de redécouverte de notre propre foi ». Paix, Salam. La soirée s’est terminée par le temps de prière des Complies, dans la chapelle. Beaucoup de musulmans sont venus avec les chrétiens y assister et ont été touchés par la beauté des chants. Une soirée qui fait du bien, pleine d’espérance !

Marita Andreu, Responsable du Service Diocésain des Relations avec les Musulmans

Nb : Nous remercions les différents Services du Diocèse qui ont permis que cette soirée soit belle, l’accueil de la Maison Diocésaine, tous ceux qui ont participé à sa préparation, au service, au nettoyage et à la remise en place des salles et tous ceux et celles qui ont prié pour cette soirée.

ANNEXE

  • Le « dialogue », pratique quotidienne, presque banale, pourtant menacée aujourd’hui, est devenu avec le Pape Paul VI une notion théologique avec sa première encyclique Ecclesiam suam qui donne l’esprit de son pontificat et permet d’orienter la nouvelle attitude missionnaire de l’Eglise, que le Concile s’emploiera à formuler. En 1964, Paul VI considère le dialogue de l’Eglise avec le monde comme « son tourment apostolique ». L’impact d’Ecclesiam suam a été réel sur le Concile et dans les années post-conciliaires. La difficulté aura été de tenir l’acceptation du mot dialogue comme modalité de l’annonce et non comme remplaçant l’annonce. Voici bientôt 60 ans, alors qu’allait s’achever Vatican II, la déclaration conciliaire Nostra aetate (octobre 1965) a marqué un tournant majeur dans les relations de l’Eglise catholique avec les religions non chrétiennes, en particulier le judaïsme et l’islam. Ce changement profond avait été préparé, pour ce qui est de la relation avec les musulmans, par l’action de religieux vivant au contact de croyants musulmans. Depuis les bouleversements de l’histoire n’ont épargné ni le monde musulman ni les Eglises.
  • Nous avons fêté le 12 septembre 2024 les 50 ans de l’engagement de l’Eglise en France pour le dialogue avec les musulmans (SRI puis Service National des Relations avec les Musulmans, SNRM) à la CEF (Conférence des Evêques de France). Au niveau diocésain, les SDRM désirent incarner cette volonté d’inter connaissance et de dialogue avec les croyants musulmans dont Nostra aetate avait souligné l’importance. Nous dénonçons ensemble tout fanatisme mais aussi discrimination ou stigmatisation religieuses. Nostra aetate déclare dans sa section IV que : « L’Eglise regarde avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu unique, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre qui a parlé aux hommes ». Nostra aetate poursuit en invitant chrétiens et musulmans à « s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, Ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté ».
  • Nous avons fêté l’an dernier les 5 ans du Document sur La Fraternité Humaine pour la paix dans le monde et la coexistence commune (déclaration d’Abou Dabi) coécrit par le Pape François et l’imam Ahmed Al Tayyeb d’Al Azzar (2019), préalable à l’encyclique Fratelli tutti.
  • Nous allons fêter les 10 ans de Laudato Si qui envisage l’écologie intégrale sur le fond du dialogue intereligieux.
  • Nous essayons ainsi de travailler à penser la foi chrétienne dans l’esprit d’Assise, c’est-à-dire permettre de favoriser les rencontres et une réflexion sur l’identité chrétienne envisagée sur l’horizon de la pluralité des cultures et des religions. Comme le rappelait le pape Benoît XVI lors de sa visite à Assise : « Assise nous dit que la fidélité à ses propres convictions religieuses, la fidélité surtout au Christ crucifié et ressuscité, ne s’exprime pas par la violence et l’intolérance, mais par un sincère respect de l’autre, dans le dialogue, dans une annonce qui fait appel à la liberté et à la raison, dans l’engagement à la paix et pour la réconciliation » (juin 2007).

Cette théologie de la rencontre, du dialogue et de l’hospitalité (de l’autre croyant différent de moi) permet de comprendre l’Espérance ancrée dans un A-Venir (Christian Salenson, théologien ISTR Marseille).