D’abord de l’aspiration à la paix de ceux qui ont souffert de quatre années de guerre. La lettre de Charles-René Menard à sa femme, ce jour de l’armistice, en témoigne. Il est architecte nantais, il a alors 42 ans et est engagé dans le service auxiliaire. Il écrit : « Les larmes coulent sans qu’on cherche à les cacher, mais les visages rient : le visage de la France est joyeux. Je voudrais voler vers toi… » 1. De Nantes où il se trouve, il va à Malestroit, traversant Savenay, Pontchâteau, Redon, et trouve Saint-Vincent en liesse. Faire mémoire de la fin de la guerre, c’est se rappeler l’aspiration à la paix de tous.

C’est faire mémoire de ceux qui sont morts et de leurs familles endeuillées. Jacques, jeune chrétien de 21 ans, écrit en 1918 : « Mes chers parents, je sais la douleur que vous causera ma disparition mais ne regardez pas la terre qui me recouvrira. Levez les yeux vers le ciel où Dieu me donnera une place… Priez pour moi car j’ai été loin d’être parfait. D’où je serai, je ne vous oublierai pas. C’est vous qui m’avez fait ce que je suis devenu. Que cette idée vous console. J’avais l’ambition d’accomplir dans la vie une mission que je m’étais tracée, celle d’être le guide, le flambeau, celui qui peut être fier d’avoir vécu pour les autres en leur enseignant les principes droits, en étant écrivain parce que c’était à mes yeux la plus noble profession ; je voulais vivre pour suivre la voie que ma conscience m’indiquait ; mais, vous avez le droit de le savoir, d’autres étaient plus utiles que moi, soit qu’ils étaient déjà chefs de famille, soit qu’ils étaient ministres du Christ, appelés à façonner des hommes et des chrétiens. J’ai prié chaque soir pour que la mort les épargne.. » 2. Jacques meurt le 14 septembre 1918 d’un éclat d’obus. Beaucoup des victimes des guerres sont mortes en pensant à nous – alors qu’elles ne nous connaissaient pas – et au désir qu’elles avaient d’une vie plus belle, plus juste, plus pacifiée. L’hommage que nous pouvons rendre aux morts de ces guerres terribles, c’est de tout faire pour que de tels drames ne se reproduisent pas. On sait le cri du Pape Paul VI, récemment canonisé, à l’ONU, en 1965 : « Jamais plus la guerre, jamais plus la guerre ! C’est la paix, la paix, qui doit guider le destin des peuples et de toute l’humanité ! ».

Le 11 novembre 2018, nous nous rappelons aussi notre mission : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. » (Mt 5, 9). Qui sont les artisans de paix selon l’Évangile ? « Ce sont des hommes qui aiment vraiment la paix, au prix même de compromettre leur propre paix personnelle, qui interviennent dans les conflits pour susciter la paix et rétablir la concorde entre tous ceux qui sont divisés. » 3. Œuvrer pour la paix et la réconciliation entre les peuples, bâtir une société d’estime réciproque, où nous nous faisons tous d’humbles serviteurs de la paix, dans la justice, voilà une tâche jamais finie. La paix est fragile en Europe et ailleurs. La paix est fragile dans les quartiers, entre voisins, dans nos familles. « Il est fréquent que nous soyons des instigateurs de conflits ou au moins des causes de malentendus.(…) Le monde des ragots, fait de gens qui s’emploient à critiquer et à détruire, ne construit pas la paix. » 4. Être artisan de paix passe par une conversion. Ceux qui œuvrent pour la paix sont appelés « fils de Dieu » parce qu’ils ressemblent au Christ, notre Paix (Eph 2, 14), parce qu’ils L’imitent, parce qu’ils font ce qu’Il fait Lui.

Seigneur,fais de nous tous, des artisans de paix.

 

+Jean-Paul James
évêque de Nantes
(ELA n° 87 – novembre 2018)


1- Paroles de poilus, lettres et carnets du front 1914-1918, Librio, 1998, p. 170
2- Ibid, p. 164
3- Jacques Dupont, Les béatitudes, Gabalda, 1973, vol 3
4- Pape François, Gaudete et exsultate sur l’appel à la sainteté, n° 87et 89