La fête de Noël est l’heureuse occasion de rencontres. Les familles se visitent et échangent. Certains en souffrent : pas invités, ils vivent une solitude pesante. Si la plupart se réjouissent des repas fami­liaux, d’autres sont inquiets : autour de la table, des caractères s’affrontent. Les échanges peuvent être vifs. De nouveaux membres de la famille ne se sentent pas accueillis. Le Pape François parle beaucoup de « la culture de la rencontre ». Pourquoi cette insistance ? À un prêtre brésilien, il évoque son enfance : il a souffert de brouilles familiales.

Mais si le Pape insiste sur la « culture de la rencontre », c’est bien sûr et d’abord à cause de l’Évangile. Pourquoi ? « Parce que la foi est une rencontre avec Jésus, et nous devons faire aussi ce que fait Jésus : rencon­trer les autres »1, au niveau international pour lutter contre la culture de l’affronte­ment, au niveau de la solidarité pour refu­ser la culture du rejet, au niveau familial ou de quartier, pour refuser la culture du repli, de l’invective ou de l’ignorance. Le Pape en parle aussi dans les échanges œcuméniques et interreligieux. Partout, il nous faut promouvoir la culture de la rencontre ! C’est ce que le diocèse de Nantes cherche à vivre avec le diocèse de Parakou au Bénin.

Pour nous préparer à Noël, la liturgie pro­pose le si beau récit de la Visitation. Voilà un Évangile qui peut guider, éclairer nos rencontres en familles, avec des personnes en situation de précarité, entre amis et bien au-delà… La Vierge Marie visite sa cousine. Mais en fait, elle se laisse aussi visiter par Elisabeth. Voilà une authentique rencontre, qui est échange, dialogue, découverte de soi, expérience de Dieu. Ce récit de la Visi­tation a inspiré le Père Christian de Chergé et les moines de Tibhirine.

Que rappelle ce récit ? D’abord, qu’une des conditions de la rencontre, c’est la récipro­cité. Rendre seulement visite à quelqu’un, ce n’est pas encore le rencontrer. Il nous faut accepter de nous laisser visiter. Tant qu’on se limite à vouloir faire du bien à l’autre, la rencontre n’a pas encore eu lieu. Les personnes avec un handicap men­tal sont très perspicaces à ce sujet : elles sentent l’humiliante compassion du visi­teur. Viens-tu me voir pour faire ta B.A ? Ou pour un vrai moment d’échange ?

La rencontre véritable est une chance : elle porte du fruit, elle fait grandir. Elle met aussi dans l’inconfort. Pour rencontrer sa cousine, la Vierge Marie prend le risque de traverser les collines de Judée peu sûres. Et elle ne sait pas comment elle sera accueil­lie : « Va-t-elle dire quelque chose à Elisa­beth ? Peut-elle le dire ? Comment le dire ? Comment s’y prendre ? Faut-il le cacher ? Et pourtant tout en elle déborde mais elle ne le sait pas. D’abord c’est le secret de Dieu. » (Christian de Chergé). C’est notre expé­rience de disciple-missionnaire quand nous partons à la rencontre d’une personne ma­lade, âgée, à la rue, ou d’un membre de la famille : nous partons fragiles et pauvres. Si nous vivons nos compétences profession­nelles ou religieuses comme des supério­rités, la rencontre devient difficile. Le jour de la Visitation, c’est l’humble servante de Nazareth qui se rend chez sa cousine : elle est ouverte à l’inattendu.

Alors, par l’Esprit Saint tellement présent à Aïn Karim, la rencontre se vit dans l’éton­nement, la gratitude et la joie : joie de la Vierge Marie, de Sainte Elisabeth, joie des deux réunies. C’est cette joie que je vous souhaite pour Noël : joie de rencontres entre personnes malades, en précarité et leurs visiteurs, joie de rencontres inatten­dues en famille, en paroisse, joie de ren­contrer, de manière nouvelle, l’Enfant de la crèche.

Bon et Joyeux Noël.

 

+Jean-Paul James
évêque de Nantes
(ELA n° 88 – décembre 2018)


1- François, Homélie de la veille de Pentecôte 2013