C’est le symbole des apôtres que nous proclamons. Il s’agit du Christ. Cela fait référence aussi à nous, à l’Eglise, à notre mission aujourd’hui.
Distinguons bien d’abord l’enfer et les enfers. L’enfer désigne cet état de séparation définitive d’avec Dieu, son amour et sa vie. Les enfers, c’est la traduction française du mot hébreu « shéol » ou du grec « Hadès ». Dans l’ancien testament, le shéol c’est le « rendez-vous de tout vivant » (Jb 30, 23), le lieu après la mort où l’on rejoint ses pères, où on mène une « ombre d’existence » (Fr Varillon). « Il est descendu aux enfers ». Cela dit de Jésus qu’il est réellement mort. Il a connu la solitude radicale de la mort, le délaissement total. Et Dieu en le ressuscitant, « l’a délivré de l’hadès » ( Ac 2, 24 ).
Quand ils représentent la résurrection, nos frères d’Orient ne montrent pas le Christ sortant du tombeau. Ils préfèrent interpréter la descente aux enfers : rayonnant de la lumière divine, avec les plis d’un vêtement blanc évoquant le mouvement, le Christ ressuscité piétine les portes fracassées du séjour des morts, et il tire Adam et Eve. Ainsi l’humanité, des profondeurs des enfers, peut remonter vers l’Amour qui l’a créée.
Les dernières semaines, j’étais habité par cette icône. La descente aux enfers, qui ne l’a pas vécu ? Ces moments où dans nos vies, Dieu semble absent, où l’épreuve est trop grande, où le scandale du mal semble partout. Descente de l’Église aux enfers, une Église atteinte par les scandales causés par certains de ces membres. Les enfers évoquent les zones de notre vie ecclésiale, contraires à l’Évangile du Christ. Les enfers évoquent les parties de notre cœur, nécrosées par le mépris du plus faible, l’orgueil, l’égoïsme. Les enfers, ce sont aussi, dans certaines familles, l’épreuve d’une séparation, la précarité, l’addiction à la drogue, à l’alcool ou à internet.
Quelle espérance alors de fêter Pâques ! Si nous séjournons aux enfers, le Christ ressuscité nous y rejoint. J’observe un détail de l’icône : le Christ ressuscité saisit Adam par le poignet, pas par la main. Comme si Adam n’avait plus la force avec sa main, de saisir la main du Seigneur. Et le Christ ressuscité le remet debout. Quelle force pour nous, pour l’Église quand nous sommes prisonniers des enfers ! Mais aussi quelle mission !
Avec nous et par nous, le Christ descend dans les enfers d’aujourd’hui. Si nous l’acceptons, il descend avec nous dans les profondeurs où la personne humaine est défigurée, abîmée, prisonnière. C’est la mission de l’Église. J’ai vu au cours de ce carême, tant de personnes descendant avec Jésus dans les régions de mort, et, par elles, Jésus ressuscité remet debout : ce sont des éducateurs, enseignants, accompagnant des jeunes souffrant d’un échec ou d’une mauvaise image d’eux-mêmes ; ce sont les membres de la cellule d’écoute des victimes de la pédophilie ; ce sont des militants, des membres d’associations caritatives qui se dépensent pour trouver des solutions pour des migrants, des personnes à la rue. Ce sont aussi les accompagnateurs des catéchumènes, soutenant jeunes ou adultes dans leur montée vers la lumière, la Vie et l’amour du Christ ressuscité.
Oui l’Église fragile est toujours à réformer. Oui, elle est appelée à la conversion. Alors, pour continuer sa mission, elle s’appuie davantage sur la vie divine qui circule en elle. A Pâques, elle fête la lumière du Christ ressuscité qui pénètre ses zones d’ombre. Avec vous, j’ai hâte de fêter le Christ descendu aux enfers qui nous fait remonter vers la Vie. Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité !
+Jean-Paul James
évêque de Nantes
(ELA n° 92 – avril 2019)
A Monseigneur l’évêque de Nantes
Merci infiniment Monseigneur James pour ce très beau texte que je garderai en mémoire.
Daignez, Excellence, agréer l’expression de ma respectueuse considération.
Je prie pour votre Excellence et votre diocèse,
Une maman chrétienne