Frédéric Delemazure, arrivé en septembre dernier à la tête de l’Enseignement catholique, témoigne de la manière dont ses équipes travaillent actuellement. Alors que le Premier ministre vient de dresser les contours d’un retour en classe pour les primaires et une partie des collégiens, particulièrement les élèves les plus en difficulté, il revient sur deux mois d’adaptation et de rebondissements qui risquent de se poursuivre jusqu’en septembre prochain.
Curieusement, ça s’est très bien passé. Bien sûr, la situation a généré un énorme stress pour tout le monde, mais finalement le fait que ça se soit fait en si peu de temps, nous a poussés à l’action aussi rapidement. Nous avons fait un bond dans l’utilisation des nouvelles technologies, que nous n’avions pas réussi à faire durant les vingt années précédentes. Cela s’est fait avec une rapidité inouïe et, surtout, les équipes se sont approprié ces outils avec une inventivité incroyable dont témoignent aujourd’hui les chefs d’établissements.
Votre récente arrivée a-t-elle été un atout ou une difficulté dans la gestion de cette situation ?
Dans une situation anxiogène comme celle que nous vivons, naturellement on se tourne vers celui qui pilote. Le Directeur diocésain a ainsi eu l’occasion de fédérer ses troupes. Les premiers jours ont entraîné une sur-communication par mails et nous avons rapidement choisi de juguler cet élan par l’utilisation des seuls mails du directeur et des chargés de mission : cela a enclenché une communication directe avec les chefs d’établissements, simple et proche, qu’ils disent apprécier. C’était d’ailleurs mon souhait quand je suis arrivé : privilégier la proximité, la simplicité et la vérité.
Autres relations de qualité, celles qui se sont établies avec les autorités publiques : avec les Directeurs académiques du Rectorat, le président de l’Association des maires de France de Loire-Atlantique, le Préfet, les représentants du Conseil régional et départemental… Une relation proche, simple et vraie qui porte ses fruits. Je citerais, par exemple, le soutien du département pour reconfigurer des ordinateurs pour des élèves qui en avaient besoin, dans une trentaine de collèges. Ici, la prise en compte de l’Enseignement catholique est évidente. Nous portons tous le souci de ces élèves, nous travaillons ensemble à leur service. Je suis admiratif de l’énorme machine qu’est l’Enseignement catholique de Loire-Atlantique : 348 établissements, 102 378 élèves et 6 251 enseignants, environ la moitié des jeunes du département scolarisés dans notre réseau.
Alors que le déconfinement s’engage, quels sont vos points d’attention particuliers ?
Il nous faut faire le deuil d’un retour à la normale avant septembre, le deuil aussi de tout rassemblement d’ici là (confirmations et professions de foi, réunions pédagogiques et fêtes des écoles). Septembre c’est aussi l’échéance d’un retour à des conditions d’apprentissage classiques, un certain nombre d’élèves va terminer l’année en distanciel.
Je suis inquiet pour les élèves en décrochage (le Ministre Jean-Michel Blanquer estime qu’ils sont 4 %) particulièrement en lycée professionnel où la pédagogie réside dans le lien entre l’enseignement général et la pratique professionnelle. Je m’inquiète aussi pour les familles qui comptent deux ou trois enfants, avec deux parents en télétravail et un seul ordinateur. Enfin, je m’inquiète pour des enfants pour lesquels la relation avec les enseignants était bénéfique, cette carence de relation commence à pointer.
Ma question principale à ce stade est de savoir comment nous allons accueillir les élèves que l’on nous demande d’accueillir et assurer le distanciel avec ceux qui resteront chez eux.
Si nous sommes sous contrat avec l’État, nous avons une part de liberté que nous n’utilisons peut-être pas assez (loi Debré) qui pourrait, dans ces circonstances et dans le respect des lois, être utilisée pour n’accueillir par exemple que les élèves « décrocheurs ». Je vais suggérer des pistes de réflexion, et chaque chef d’établissement aura la possibilité, dans les jours qui viennent, de s’adapter à la situation locale. Nous allons être « proactifs » (anticipant les attentes et prenant les initiatives de l’action).
En conclusion, je dirais que certainement nous ne mesurons pas encore la somme de ce que nous avons appris à grande vitesse. J’espère que nous aurons le temps de tirer profit de tout cela, lorsqu’une vie normale aura enfin repris.
Propos recueillis par Isabelle Nagard
Revue ELA n°103 – avril-mai 2020
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