(©photo : Le père Emile Shoufani le 15 octobre 2023 devant les caméras de la télévision arabe israélienne Ehna. Capture d’écran. – source : www.terresainte.net)
Né dans une famille palestinienne de tradition grecque-catholique (dite melkite), Emile Shoufani avait reçu de sa grand-mère (qui avait pourtant perdu dans la guerre de 1948 son fils de 17 ans et son mari, civils non armés) un message de paix et de fraternité, envers les juifs comme envers tous. Il resta fidèle à cet engagement toute sa vie.
Ordonné prêtre après ses années de formation au Séminaire d’Issy-les-Moulineaux, il s’attacha d’abord à faire dialoguer toutes les composantes de la population arabe d’Israël, chrétiens de différentes confessions, druzes et musulmans. Puis, devenu directeur du principal établissement secondaire de Nazareth, il en fit un lycée d’élite parmi les meilleurs du pays, et organisa des échanges avec un lycée juif situé près de l’Université hébraïque de Jérusalem. Ce travail de paix inspiré par sa foi profonde fit l’objet en 1999 d’un livre du journaliste Hubert Prolongeau, Le curé de Nazareth, dont le succès rendit célèbre cet Arabe citoyen d’Israël dans une France avec laquelle il se sentait une affinité particulière.
En 2002, après avoir publié un livre d’entretiens avec Hubert Prolongeau (Comme un veilleur attend la paix), Emile Shoufani fait face à l’effondrement de toutes les associations d’entraide judéo-arabe après la seconde intifada. Il pense alors qu’il faut que la société arabe pénètre la « peur juive » dans ses fondements pour pouvoir rétablir un dialogue, et lance un appel pour l’organisation d’un voyage judéo-arabe à Auschwitz, appel auquel s’associent 300 personnalités arabes israéliennes. Cette proposition bouleverse nombre de juifs israéliens, provoque un débat national et a des échos jusque dans l’OLP et en Egypte. Emile Shoufani demande alors à son éditeur Jean Mouttapa d’organiser la partie française de cet événement, rencontre avec lui Simone Veil qui leur accorde le soutien de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, et fait de nombreux séjours en France pour convaincre les uns et les autres.
En mai 2003, ce voyage, préparé en Israël et en France par de nombreuses rencontres, et organisé de la façon la plus rigoureuse grâce à la participation de l’historien italien Marcelo Pezzetti et de Richard Prasquier, alors président du Comité français pour Yad Vashem, réunira pendant quatre jours à Cracovie, Auschwitz et Birkenau, plus de cinq cent personnes venues en deux avions de Tel Aviv et de Paris. Intellectuels et artistes juifs et arabes de tous engagements politiques, rabbins, imams, étudiants de l’UEJF et des EMF, Eclaireurs israélites et Scouts musulmans de France affirmèrent ensemble l’unité de l’humanité sur les lieux même où celle-ci avait été niée, et en présence de plusieurs survivants de la Shoah, comme Shlomo Venezia (Sonderkommando. Dans l’enfer des chambres à gaz, préface de Simone Veil, 2007) ou Magda Hollander Lafon (Quatre petits bouts de pain, 2012). Tous les participants auront été marqués à vie par cette expérience collective unique.
Emile Shoufani, qui a reçu en 2003 le Prix UNESCO de l’éducation pour la paix, et en 2014 le Prix de l’Amitié judéo-chrétienne de France restera dans les mémoires de celles et ceux qu’il a pu toucher à travers le monde comme un être lumineux qui aura porté très haut le sens de la fraternité.
Tous les titres cités ont été publiés aux éditions Albin Michel.
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