Dix élèves du lycée campus Talensac se sont lancés dans une aventure singulière : écrire la vie de résidents de l’EHPAD Ma Maison, tenu par les Petites Sœurs des Pauvres à Nantes. Porté par l’association « Ce qui compte vraiment », le projet « Chaque Histoire Compte Vraiment » mêle rencontre intergénérationnelle et transmission de mémoire.
Une première rencontre pleine d’émotion. Mardi 30 septembre, à 16 heures, dix lycéens — neuf filles et un garçon — franchissent timidement les portes de l’EHPAD Ma Maison. Accueillis par Mère Isabelle, supérieure de la communauté, ils découvrent un établissement récent où cohabitent 87 résidents et 9 Petites Sœurs. Après un passage par le patio lumineux, cap sur la salle des fêtes où les attendent les dix volontaires âgés qui ont accepté de se prêter au jeu.
Les premiers échanges sont hésitants : « Plus fort ! », lance une résidente amusée, peu habituée à entendre ces voix juvéniles encore mal assurées. Mais rapidement, la glace se brise. Nathan propose de jouer aux cartes lors des prochaines rencontres qu’il aura avec son binôme, Manon découvre une passion commune pour la danse avec sa voisine, tandis que Lola accompagne la religieuse auprès d’une résidente qui n’a pas pu descendre. Déjà, des liens se tissent.
Des binômes pour raconter une vie
Sous l’œil bienveillant des accompagnatrices de l’association « Ce qui compte vraiment » et de Mère Isabelle, les binômes sont constitués. Chacun s’engage à se retrouver une heure par semaine, hors temps scolaire, pour partager souvenirs et anecdotes. L’objectif : écrire ensemble le récit de vie du résident, un manuscrit de 80 pages qui sera édité au printemps.
« Et si on meurt avant ? », s’inquiète une dame. « Alors, on le donnera à vos enfants », rassure Mère Isabelle dans un sourire. « Mais vous ne mourrez pas cette année ! » La légèreté de la réponse illustre l’esprit du projet : transformer l’inquiétude du temps qui passe en une aventure de transmission et de mémoire.
Un projet éducatif et intergénérationnel
Le dispositif « Chaque Histoire Compte Vraiment » est déjà mené dans plusieurs établissements scolaires et EHPAD en France. À Talensac, il s’adresse en priorité aux élèves de première et de terminale, mais il est ouvert à d’autres volontaires. Une vingtaine d’élèves se sont portés volontaires. Seuls 10 participeront à l’aventure. Formés dès septembre à l’écoute et aux fragilités liées au grand âge, les jeunes deviennent de véritables « passeurs de mémoire ».
Au fil des rencontres, ils apprennent à recueillir la parole, à structurer un récit, à écrire avec sensibilité et fidélité. Les résidents, eux, trouvent dans cette oreille attentive une nouvelle vitalité. « Céleste, c’est mieux que les médicaments », confiait une participante d’une édition précédente.
Une mémoire vivante qui se transmet
En mars, les récits seront finalisés puis édités en plusieurs exemplaires : un pour le jeune, cinq pour le résident et sa famille. Une cérémonie de remise des livres, en présence des familles et des partenaires, viendra clore le projet en juin.
Au-delà de l’objet-livre, c’est l’expérience humaine qui marque : « J’ai découvert la guerre dans toutes ses difficultés mais aussi toute la beauté de la vie », confiait un lycéen d’une édition passée. « Je n’aurais jamais pensé avoir un jour mon livre à moi », s’émerveillait une résidente.
À l’heure où le lien entre générations s’effrite parfois, le projet « Chaque Histoire Compte Vraiment » démontre qu’écouter, écrire et partager restent des gestes essentiels. Pour les jeunes comme pour leurs aînés, il s’agit bien plus qu’un devoir de mémoire : c’est une leçon de vie.
Tanguy Louvel












