(Photo : L’Adoration des Bergers (vers 1650) – Bartolomé Esteban Murillo)

Un homme et une femme, dans une étable, aux portes de la ville de Bethléem, qui donnent naissance à un enfant au cœur de la nuit. Combien dut être grande la peur de ces jeunes parents qui mettent au monde leur enfant premier né dans une ville inconnue. Combien sont-ils, hommes et femmes, jeunes et adultes, aujourd’hui, qui ont le sentiment d’être abandonnés et « laissés à la porte » ? Chez nous, en France, un peu partout dans le monde, ce temps de Noël est marqué par la guerre en Ukraine et ses conséquences économiques et sociales qui se font concrètement ressentir dans notre quotidien. Nous voilà obligés à la sobriété, à davantage de simplicité… En ce Noël 2022, nous pouvons alors retrouver la signification profonde de la venue du Sauveur du monde. Il vient à nous dans une humble étable, dans la simplicité et la pauvre¬té d’une crèche, là est le vrai sens de Noël et la source de la joie qui nous habite : réjouis¬sons-nous parce que le Seigneur nous rejoint dans nos pauvretés et qu’il fait naître l’Espérance sur un monde fragilisé qui craint pour son avenir. Saurons-nous être des témoins de cette espérance ?

Dans les environs, il y a les bergers qui gardent les troupeaux. Des hommes à la réputation douteuse : ils n’ont pas de maison, peu d’argent, ils travaillent un jour ici, l’autre là. Pourtant, Dieu les choisit pour être les premiers témoins de la naissance de son Fils. En Jésus, Dieu vient pour tous les hommes, sans exception. Il vient pour les sauver tous, car Dieu ne fait pas de différence entre les hommes. Mais être choisi ne suffit pas… Encore faut-il répondre à l’appel du Seigneur. Les bergers de notre Évangile répondent : ils se rendent à la crèche et adorent Jésus nouveau-né. Qui que nous soyons, nous sommes appelés à connaître la joie des bergers contemplant Jésus nouveau-né. Mais il faut d’abord, comme eux, nous mettre en route et accepter de nous déplacer.

Les bergers se sont déplacés jusqu’à la crèche et, une fois arrivés, ils ont vécu un autre déplacement, intérieur celui-là : ils ont reconnu en Jésus Celui qui les sauve et leur vie, alors, a changé. L’Évangile nous fournit l’indice de ce déplacement : « Après avoir vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit à propos de cet enfant. » Leur vie avait bien changé pour qu’eux, les exclus, osent prendre la parole !

Noël est pour tous une joie : Dieu ne connaît pas les frontières qui séparent les hommes, en chacun d’eux il prend naissance. Mais Noël est aussi un appel à nous laisser déplacer intérieurement. Nous pouvons avoir peur de l’avenir pour nous et nos proches, être découragés devant la dureté des hommes, la violence de la crise que nous traversons et les scandales qui frappent notre Église… Autant d’obstacles qui ne sont plus insurmontables. Jésus vient au cœur de la nuit qui nous enserre trop souvent pour nous ouvrir à l’espérance : Marie et Joseph, au cœur de leur détresse, perdus dans une ville étrangère, mettent au monde Jésus. Les bergers, au cœur de leur exil dans la montagne, rencontrent Jésus. Alors, pour eux et pour notre monde, rien ne sera plus comme avant !

Que cette belle espérance nous renouvelle dans notre engagement au service de nos frères, de notre société, de notre Église. « Dans la joie que donne l’Esprit », bel Avent et joyeux Noël à vous tous

 

Mgr Laurent PERCEROU
Évêque de Nantes
paru dans ELA n° 131 – décembre 2022