« Le fils de l’Homme n’a pas où reposer sa tête » Mat 8,20
Nantes et ses communes voisines comptent 54 bidonvilles où vivent 2 800 personnes dont 1 000 enfants. Après avoir reçu, il y a quelques semaines, le Comité de pilotage Roms, constitué de catholiques impliqués dans des associations locales, Mgr Percerou a souhaité rencontrer des familles et mieux comprendre leur situation. Le 12 octobre dernier, il s’est rendu à Carquefou.
Une réunion a d’abord rassemblé l’association Vivre Ensemble à Carquefou (AVEC) qui agit depuis 12 ans. Le père Guillaume Le Floc’h, curé et des membres de la paroisse étaient également présents, ainsi que François Vouzellaud, adjoint au maire en charge des mobilités et conseiller métropolitain, un maraîcher employeur et une institutrice de l’école Saint-Louis de Thouaré-sur-Loire. L’association a décrit la situation extrêmement précaire de ces familles, n’ayant accès à aucun lieu d’hébergement, contraintes à des installations fortuites et illégales, sans accès à l’eau ni à l’électricité, loin de tout et notamment de l’école pour les enfants, mais aussi du travail pour les parents. Les bénévoles ont expliqué que cette population souffrait de discriminations en Roumanie mais que la première raison de cette migration était économique. Un maraîcher a témoigné qu’il s’agissait d’un personnel productif et assidu, que cette main d’œuvre était indispensable pour des tâches souvent jugées pénibles (au moins un membre de chaque famille travaille dans le maraîchage, la viticulture ou les abattoirs). L’association a évoqué les expulsions à répétition qui créent une itinérance sans fin autour de Nantes et expliqué son travail d’accompagnement, particulièrement concentré sur la scolarisation des enfants, fragile victoire qui s’effondre toujours au moment de l’expulsion qui entraîne en moyenne 6 mois de déscolarisation. Dans la conversation, la question du logement social a été abordée : « Une centaine de familles y ont accédé, d’autres attendent depuis plusieurs années, la demande étant saturée localement. Il arrive aussi parfois que des familles en logement reviennent vivre sur les terrains pour des questions financières, un manque d’accompagnement social ou un sentiment d’isolement. La plupart d’entre elles gardent le désir d’achever leurs maisons construites peu à peu au pays, tout en sachant que là-bas il n’y a pas de travail. »
Beaucoup ont dit qu’il n’y avait pas une solution unique, que le retour au pays ou l’insertion par le logement ne résoudrait pas tout : « Chaque famille a un projet de vie et doit être accompagnée pour le réaliser. »
Au terme de cette réunion, Mgr Percerou, guidé par les membres de l’association AVEC et accompagné d’une interprète, s’est rendu à Véga 1 et 2, deux bidonvilles en bord de périphérique. Voilà le témoignage qu’il a donné après cette visite : « Les familles que j’ai visitées se sont installées sur des terrains disponibles, dans des caravanes, et elles ont reconstitué là une sorte de communauté, dans des conditions d’hygiène très limitées. Elles ont accès à l’eau par la bouche d’incendie, il n’y a pas d’électricité. Quand j’y suis allé il faisait beau, mais quand il pleut ? Avec l’hiver qui arrive, que va-t-il se passer ? C’était pour moi l’occasion d’abord de témoigner de mon amitié à ces familles, d’encourager les associations qui les accompagnent et de regarder comment, modestement, à mon niveau, je peux aider. Pour nous, les disciples du Christ, il n’y a pas de frontières entre les hommes. Ce qui nous rassemble c’est cette commune humanité et cet amour immodéré de Dieu pour chacun de nous. Il y a tant de clichés dont je voudrais que nous sortions : nous avons là, chez nous, des familles qui vivent dans des conditions vraiment déplorables. Je sais que nous avons peu de moyens, mais nous avons la force de la prière et du compagnonnage fraternel. »
Dans cette périphérie géographique, au bout d’une route traversant une zone industrielle, qui finit par un chemin de terre à peine praticable, existe une périphérie existentielle, une population stigmatisée et rejetée, autant ici que dans son pays d’origine. Pourtant, ces bidonvilles existent, les enfants roms vont, tant bien que mal, à l’école avec nos enfants. Leurs parents travaillent dans le maraîchage ou les abattoirs et contribuent à la production de ce que nous mangeons. Ils sont au milieu de nous, ce sont nos frères et nos sœurs, et pourtant ils n’ont ni douche ni toilettes, ni aucune assurance de ce que sera demain… Comme en écho à l’Écriture, « pas même où reposer la tête » (Mt 8, 20). Une large conversion du regard et du cœur est urgente et nécessaire.
Annick Didelot-Multrier (Comité Vigilance et Solidarité)
et Isabelle Nagard
Article paru dans la revue ELA n°130 – novembre 2022
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