Sur la photo, de gauche à droite : Elisabeth Motte, Orianne Duflos et Rafaële Gondran

A Nantes, Orianne Duflos, catholique, Rafaële Gondran, pasteure de l’Église Protestante Unie de France, et Élisabeth Motte, orthodoxe de la paroisse Saint-Basile, ont initié un groupe biblique œcuménique à visée expérimentale. Il ne s’agit pas d’un titre pompeux mais de quelques mots pour essayer de décrire ce qu’elles ont vécu pendant deux ans avec un petit groupe d’ados. 

Une idée née autour d’un dîner

Ce projet est né simplement, lors d’un dîner entre amis. Toutes trois, formées à l’étude de la Bible, passionnées et issues de confessions différentes, partageaient une même préoccupation : continuer de transmettre la foi à leurs enfants, déjà engagés… Nourrir leur soif d’approfondir leurs connaissances.

La Parole comme point de départ

Elles ont alors imaginé un parcours biblique destiné à des jeunes de 15 à 20 ans, issus de leurs Églises respectives, dans la période post-catéchèse ou après la confirmation. L’idée : partir de la Bible et de l’étude de la Parole pour susciter l’échange et la découverte.

La première rencontre a eu lieu au temple. Les jeunes, réunis autour de la Parole de Dieu, ont tout de suite été stimulés. En explorant ensemble les textes ils ont pris conscience des regards croisés de leurs traditions. Lors de la troisième rencontre, certains ont même lancé en riant : « Mais vous n’avez pas envie de changer de confession ? » — une question qui a provoqué des rires, mais aucun changement !

Pour Orianne, Rafaële et Élisabeth, cette expérience a été une source de joie : elles ont pu partager leur amour des Écritures et voir les jeunes se laisser eux-mêmes saisir. L’un d’eux leur a confié : « Pour une fois, on ne m’a pas demandé ce que ça me faisait d’être croyant, mais simplement de regarder ce que disait le texte. » Avec l’aide ponctuelle du père Alexis Struve, prêtre orthodoxe, et du père Guillaume Le Floch, bibliste, les rencontres ont été enrichies de propositions variées.

Une pédagogie vivante et incarnéeUne pédagogie vivante et incarnée

Les réunions se déroulaient de 15h à 20h, conclues par un apéritif dînatoire, car la convivialité est essentielle à une rencontre sincère. La deuxième rencontre portait sur les psaumes : « C’était déroutant de voir jusqu’où les jeunes sont allés dans l’interprétation et l’intertextualité. » La troisième a permis de découvrir les traces de l’histoire à travers le parcours « Nantes Protestant » une visite historique de la ville, guidée notamment par Florian, qui a longuement échangé avec les jeunes. La quatrième rencontre s’est tenue à l’église orthodoxe, avec une visite guidée et une étude d’Actes 15, l’occasion d’aborder les temps liturgiques, le geste du signe de croix à trois doigts, ou encore l’iconostase.

Chaque rencontre se terminait par un chant de Taizé, une lecture biblique et la prière du Notre Père.

Une expérience marquanteUne expérience marquante

Lors de la deuxième année, le groupe a participé à une veillée de prière de Taizé. Un atelier biblique autour de Luc 10, 25-37, sous forme de « texte à trous », leur a permis de découvrir différentes traductions et la diversité des Bibles. Pendant la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, ils ont exploré les notions de concile, de synode, et de symbole de la foi. Ce sont surtout les différences de rites qui ont marqué les jeunes, alors que l’unité se faisait autour de la Parole.

Des hauts et des bas… mais toujours la foi

La rencontre suivante a été une déception : aucun jeune n’est venu. Mais les trois amies en ont profité pour prendre u ntemps de ressourcement ensemble, avec le père Guillaume. Le texte choisi ce jour-là, Josué 4, a redonné courage à l’équipe. L’évangile du lendemain, « Nul n’est prophète en son pays » (Luc 4, 24-30), a résonné comme un clin d’œil. Malgré l’absence des jeunes, l’émerveillement devant la Parole a pris le dessus.

Une dynamique œcuménique durable

Les trois femmes ont aussi grandi dans leur compréhension mutuelle, allant à la messe ou au culte, assistant à des conférences, découvrant les podcasts d’Elisabeth sur le texte hébreu de Genèse… Une dynamique nouvelle s’est installée.

Le culte d’ordination-reconnaissance de ministère de Rafaële, le 22 septembre 2024, a été un moment fort pour les deux autres. Elles sont convaincues que l’unité des chrétiens se vit dans la rencontre entre confessions, comme lors de la célébration de « Pâques ensemble » place Sainte-Croix, le 21 avril dernier. Cela demande un effort, mais la Bible est centrale pour y parvenir… tout comme la diversité des approches : une visite au musée peut alterner avec une étude biblique. Ce sera d’ailleurs le programme du 21 juin : une dernière rencontre autour du langage biblique… mis en peinture. Elles espèrent que les jeunes répondront présents !

Un laboratoire d’avenir

Orianne, Rafaële et Élisabeth relisent leur initiative comme un véritable laboratoire : « Il y a du bon et du rebond qui se crée par la force de l’humain ! » Une jeune fille, étudiante à Strasbourg, revenait spécialement pour ces rencontres œcuméniques — preuve de leur importance. Elles en sont convaincues : ces jeunes ont goûté à la joie de l’exégèse, à une lecture approfondie et critique du texte, à la découverte de l’altérité comme une chance, à la richesse de la diversité chrétienne, et à la beauté d’une foi partagée.

 Propos recueillis par Isabelle Nagard