La Déclaration conciliaire Nostra Aetate, promulguée il y a 60 ans jour pour jour, aura marqué une avancée considérable dans l’histoire de l’Eglise, notamment en son paragraphe 4 relatif à son rapport au Judaïsme…

… C’était le 28 octobre 1965 ; une avancée dont il est plus que jamais nécessaire de mesurer les enjeux, en ces temps troublés de confusion des valeurs, de conflits politico-religieux, de polarisation des opinions, de perte généralisée des repères au sein même de nos sociétés de tradition judéo-chrétienne.

C’est ce qui a été évoqué tout au long du colloque commémorant cette Déclaration, les 8 et 9 octobre au Collège des Bernardins à Paris, colloque intitulé « Rêver la fraternité », introduit solennellement par le cardinal Kurt Koch président du Conseil pontifical pour l’Unité des chrétiens et par le Grand rabbin de France Haïm Korsia.

Ces deux journées, réunissant délégués SDRJ et autres acteurs de la relation juifs-chrétiens, ont été organisées par les tout nouveaux responsables relations-Judaïsme et leur service – le SNRJ de la Conférence des évêques de France : Mgr Etienne Vetö, évêque référent pour ce dialogue et le Père Alexandre Comte, délégué du service national des relations avec le judaïsme.

Les interventions de ce colloque, retransmises par KTO, sont accessibles sur le site du SNRJ : celles du Cardinal et du Grand rabbin, de Mgr Vetö et du Rabbin Rivon Krygier, de Jean-François Bensahel et des Pères Patrice Chocholski, de Luc Forestier, de Marc Rastoing et autres.

Par la Déclaration Nostra Aetate §4, l’Église porte désormais un regard foncièrement positif sur les Juifs et le judaïsme, et ce faisant, un regard renouvelé sur sa propre identité qu’elle détient de la judéité de Jésus ; et par extension de son « lien spirituel » depuis ses origines avec le Peuple juif dont « les dons et l’appel sont sans repentance » selon l’apôtre Saint-Paul dans sa lettre aux Romains, chapitre 11 – les premiers disciples étant juifs.

Que de chemin parcouru depuis Vatican II ! Six décennies de rapprochement pas à pas, parsemées de crises surmontées et d’actes symboliques forts posés par les plus hautes autorités catholiques et les responsables du judaïsme – on pense aux gestes et paroles des papes successifs depuis Jean XXIII. Par ses quelques mots à la synagogue de Rome « Vous êtes nos frères aînés dans la foi et d’une certaine façon nos frères préférés » le pape Jean-Paul II a ouvert de larges perspectives. Les actes courageux de repentance, d’une grande intensité, ont affermi les liens de confiance. Une confiance qui, après les visites en Israël des derniers papes, s’est définitivement scellée en amitié dans le remarquable texte de la Commission pontificale pour les relations religieuses avec le Judaïsme « Les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables » ; Une réflexion théologique sur les rapports entre catholiques et juifs, publiée en 2015 pour le 50ème anniversaire de Nostra Aetate, à laquelle le monde juif rabbinique a répondu de façon inespérée :   « Vous chrétiens travaillez à la fraternité universelle d’une humanité rassemblée autour du Dieu Un, par l’accueil du Verbe qui vous donne ce supplément d’être, d’élévation du cœur et de l’esprit… partenaire de la Rédemption finale…» (Déclaration des représentants des différents courants du judaïsme de France en nov 2015, suivie de deux autres textes majeurs des rabbins orthodoxes des USA et d’Israël en déc 2015, puis de la Conférence des rabbins européens en fév 2016).

Mgr Vetö a comparé cette période bénie à une forme de germination ou de maturation, à l’image d’une plante élevée sous serre, mais qui aujourd’hui est exposée aux vents desséchants du désert. Les événements dramatiques au Proche-Orient et la flambée de l’antisémitisme partout dans le monde rouvrent les blessures et paralysent le dialogue. Ces violences sont révélatrices de grands dangers pour l’humanité et exigeraient que juifs et chrétiens s’unissent pour promouvoir les valeurs bibliques partagées.

Les 8 et 9 octobre, l’ensemble des intervenants catholiques, prêtres, évêque et universitaires, ont exprimé leur affection envers leurs « frères aînés » : pas de jugements hâtifs sur les causes du conflit mais écoute de la souffrance et de la peur de l’autre. Véritable épreuve de Vérité face à la complexité de la situation ! Des réflexions théologiques audacieuses et exigeantes ont pu être menées de part et d’autre, selon la recommandation-même de Nostra Aetate § 4 : « Le saint Concile veut encourager et recommander la connaissance et l’estime mutuelles, qui naîtront surtout d’études bibliques et théologiques, ainsi que d’un dialogue fraternel ».

Les membres du service diocésain pour les relations avec le judaïsme de Nantes, présents à cet événement, se sont trouvés encouragés à poursuivre leur mission de rapprochement avec le Judaïsme vivant aujourd’hui, et d’en témoigner. Tout au long du terrible conflit ayant suivi le 7 octobre 2023, ils ont maintenu les relations avec la communauté juive de Nantes, profondément meurtrie, ce que beaucoup de chrétiens ignorent. Mais à présent, avec le cessez-le-feu, il est permis d’espérer que les liens se poursuivront avec plus de sérénité malgré la persistance de sentiments ambivalents.

Dans le cadre de son émission « Jésus juif, et après… » à Radio Fidélité, et d’ici la fin de l’année, le SDRJ proposera de faire état des réflexions menées lors de ce colloque et de reprendre le texte de NA §4 qui a permis au concile Vatican II d’ouvrir l’Église à un dialogue plus large avec les autres religions non chrétiennes.

Par ailleurs, le SDRJ recevra du Service national une exposition sur les avancées du dialogue depuis Vatican II, qui pourra être présentée et proposée aux paroisses, aux mouvements ou établissements scolaires qui en feraient la demande à : sdrj@catholique-nantes.cef.fr

L’équipe du SDRJ