Chacun est maintenant renvoyé à sa liberté et à sa responsabilité (mercredi 30 juin 2021)
La loi de révision des lois de bioéthique vient d’être votée par l’Assemblée nationale. Malgré plusieurs années de débats, une logique s’est imposée qui fait de la dignité de l’être humain une valeur à géométrie variable. Le « large consensus » voulu par le Président de la République n’existe pas et l’on voit triompher une volonté idéologique malgré de nombreuses alertes – parfois de simple bons sens- exprimées par nos concitoyens.
Le socle de la « bioéthique à la française » dont notre pays était si fier est gommé : la dignité propre à tout être humain – petit et grand – n’est plus le point focal.
Face à cette loi, les évêques de France continuent de manifester une grande inquiétude et adressent un appel.
Maintenant que la loi de notre pays autorise de nouvelles transgressions, il importe plus que jamais que chacun trouve les moyens de la vigilance et d’un discernement personnel afin de faire ses choix en pleine conscience de ses conséquences éthiques.
La satisfaction d’un besoin -même légitime-, le principe d’égalité, les besoins de la recherche scientifique, la peur du handicap ne peuvent justifier qu’on traite l’être humain comme un matériau manipulable et éliminable.
Si la loi dit le droit, elle ne dit pas le bien. Ce nouveau cadre législatif fait sauter de nouvelles digues éthiques et renvoie chacun, plus que jamais, à sa responsabilité personnelle.
Mgr Éric de Moulins-Beaufort
Archevêque de Reims
Président de la Conférence des évêques de France
l’heure de la responsabilité a sonné (mardi 29 juin 2021)
Le 24 juin dernier, le Sénat a refusé de s’exprimer sur le projet de loi de bioéthique sorti de l’Assemblée en troisième lecture. De façon claire, ce refus manifeste que deux manières de considérer l’être humain et sa dignité sont irréconciliables. De façon inédite, le « large consensus » voulu par le Président de la République n’existe pas. Cet échec est d’autant plus grave que la loi de bioéthique n’est pas une loi comme les autres, puisqu’elle concerne la conception qu’on se fait de la dignité humaine et du respect que celle-ci engage chez tous.
Comment avancer maintenant ? Comment ne pas trembler en se prononçant pour ou contre cette loi car il y va en vérité d’une certaine conception de la dignité chez tout être humain, du plus petit au plus grand d’entre eux ? La dignité humaine serait-elle à la merci des opinions des uns et des autres ? Seraitelle à géométrie variable ?
Il est urgent de tirer les conséquences de cet échec qui blesse notre démocratie. Seul un moratoire qui donne du temps pour réfléchir collectivement en écoutant et en pesant les arguments des uns et des autres peut permettre l’émergence d’une pensée commune sur la dignité humaine, inséparable de la fraternité qui nous relie les uns aux autres car nous saurons ensemble que le plus petit comme le plus grand, le plus fragile comme le plus solide ont la même dignité du fait même qu’ils sont des êtres humains. Tel est le socle indispensable qui refondera notre pacte social et notre capacité de vivre ensemble dans notre nouvelle société gorgée de techniques et grevée par le « virus de l’individualisme » (Pape François).
Nul d’entre nous n’a inventé l’Homme. Chacun de nous a mission de le recevoir tel qu’il est avec sa beauté et sa complexité, en se laissant toucher au plus intime de lui-même par l’éclat de cette dignité. L’expérience auprès des plus fragilisés, l’art, la raison, la science et la religion projettent ensemble, chacun à sa manière, une vive lumière sur cette dignité. C’est à l’édification d’une société hospitalière de cette dignité que nous sommes tous appelés. Cette hospitalité se vérifie toujours par le respect effectif envers les plus vulnérables et les plus petits d’entre nous ainsi que par la solidarité mise en œuvre en leur faveur.
Mgr Pierre d’Ornellas,
Archevêque de Rennes
Responsable du Groupe Bioéthique de la CEF