Au lendemain matin de l’élection du nouveau Pape, Léon XIV, ce vendredi 9 mai 2025, Mgr Percerou recevait les journalistes afin d’évoquer avec eux cet événement et la figure du nouveau pasteur de l’Eglise universelle. Voici quelques échos de leurs échanges.
Mgr Percerou comment relisez-vous cette élection, plutôt rapide, du nouveau pape, Léon XIV ?
Effectivement nous avons assisté à un conclave plus rapide que prévu : L’élection a surpris de nombreux observateurs, on s’attendait à plus de délibérations dans un collège des cardinaux qui comptait de nombreux nouveaux membres nommés par le pape François, qui ne se connaissaient pas bien : le Pape François ne les avait pas encore réunis ensemble. Mais, depuis son décès, les cardinaux ont eu l’occasion de se rencontrer à Rome, d’échanger sur les défis de l’Église, et de faire le bilan du précédent pontificat. Ces discussions ont sans doute permis d’accélérer le choix du Pape. Apparemment une large majorité s’est dégagée assez rapidement pour chercher l’homme qui puisse faire consensus et qui puisse faire fructifier l’héritage du pape François.
Je pense qu’il s’agit là d’un choix qui s’inscrit dans la continuité : Léon XIV a été nommé évêque puis cardinal par François et qui lui a également demandé de venir à Rome après son travail missionnaire au Pérou.
Quelle a été votre première impression ?
Lorsqu’il apparaît au balcon, je le sens ému mais il a l’air heureux. Il semble humble et discret. Il a montré à la fois beaucoup d’émotion et de réserve.
Quel que soit d’ailleurs le pape qui apparaît au balcon, il est quand même assez phénoménal de devenir du jour au lendemain un homme universel d’une certaine manière, responsable de plus d’un milliard et demi de catholiques à travers le monde, avec une réelle influence spirituelle mais aussi politique – ou au moins diplomatique – sur la marche du monde. Ce matin, nous avons célébré la messe avec mes collaborateurs, et nous avons prié très fort pour lui et pour l’Église.
Comment accueillez-vous le nom qu’il a choisi pour ce pontificat ?
Je peux me tromper, mais je vois deux allusions, dans ce choix : j’imagine qu’il veut nous dire son engagement social et spirituel. « Léon », peut faire référence à Léon Ier (évêque de Rome de 440 à 461) : très engagé pour la paix. Il est aussi appelé Léon le grand. Il s’est présenté devant Attila et les Huns, les mains vides, et a évité l’invasion de l’Italie et le saccage de Rome. Un autre Pape Léon, Léon XIII, a marqué l’histoire plus récente de l’Eglise. A la fin du 19e siècle, Léon XIII prend conscience, dans un long pontificat de plus de 20 ans, que l’Église était en train de passer à côté de la révolution industrielle. L’économie de marché est arrivée mais sans droits sociaux pour les ouvriers, émerge alors une classe ouvrière pauvre, exclue, exploitée, Il produit un texte fondamental : l’encyclique Rerum novarum, qui a posé les bases de la doctrine sociale de l’Église.
Dans ce sens, je pense que Leon XIV s’inscrit dans la suite du pape François, qui a mis l’accent sur la défense des pauvres et des droits humains, ce qu’il a d’ailleurs évoqué dans son premier discours en parlant de paix et de fraternité universelle.
Quels sont les défis qui attendent le pape Léon XIV ?
L’évangélisation et la présence de l’Église aux plus humbles restent fondamentales. L’Église évolue progressivement au fil du temps, sans véritable rupture, avec la mise en œuvre de réformes qui permettent d’adapter l’annonce de l’Evangile aux réalités du monde moderne. Le pape François a déjà initié de nombreuses réformes importantes, à la suite de ses prédécesseurs. Léon XIV poursuivra cette dynamique, avec son tempérament, ses qualités et également ses limites, comme chacun de nous. Il y a aussi des défis structurels et internationaux : les finances du Vatican restent une problématique à gérer, la diplomatie de l’Église sera essentielle, notamment dans la quête de paix et de réconciliation mondiale. On peut encore citer les enjeux liés à la diminution du nombre de vocations et à l’évolution des sociétés occidentales ou encore le rôle de l’Église dans l’hémisphère sud, qui est aujourd’hui majoritaire, notamment sur des questions sociales comme la pauvreté et la migration.
En tant que Pasteur, à quoi devra-t-il veiller ?
Un « bon pape » est avant tout un bon pasteur, capable de rassembler l’Église et d’assurer la communion entre ses fidèles, malgré les tensions internes. Son rôle est d’unir plutôt que de diviser. Léon XIV devra guider les fidèles pour que l’Église reste à l’écoute du monde, en dialogue avec lui, tout en restant fidèle à son message évangélique. Son pontificat s’annonce donc marqué par une volonté de continuité et d’unité, avec des enjeux globaux majeurs et une nécessité de répondre aux réalités sociétales modernes.
En tout cas, je crois qu’à chaque fois qu’un nouveau pape nous est donné, c’est l’occasion pour nous de nous réjouir. C’est un peu un « printemps de l’Église » sans renier, bien évidemment, ce que nous a légué François et ses prédécesseurs et qui a contribué à la vitalité de l’Église. Je relie cela à ce que l’Église vit aujourd’hui en France, avec, par exemple, l’augmentation du nombre des catéchumènes. Tout cela, ce sont les fruits du travail de l’Esprit à travers les acteurs de la vie de l’Eglise, au premier rang desquels les papes que le Seigneur nous donne, et cela me réjouit.
Quand le rencontrerez-vous ?
Je serai à Rome fin juillet avec les jeunes adultes du diocèse pour le jubilé des jeunes, nous aurons l’occasion de le voir, sans doute de loin et de l’entendre s’adresser à la jeunesse. Ensuite, je retournerai à Rome en octobre pour un pèlerinage diocésain, là nous assisterons sans doute à une audience.
Si vous pouviez lui poser une seule question, que lui demanderiez-vous ?
Je crois que je lui demanderais : Quelle est votre joie d’être pasteur ?… On entend beaucoup parler de la charge que représente la conduite de l’Eglise, du poids de la responsabilité et de ses enjeux, mais j’aimerais qu’il puisse nous dire ce qui le rend heureux dans ce service de l’Eglise, qu’est-ce qui le stimule, le porte, qu’est-ce qui fait sa joie ?
Isabelle Nagard.