Le drame de la pédophilie, qui atteint des enfants innocents, nous fait honte et nous ébranle. Dans une démarche exceptionnelle, le Pape François vient d’adresser une lettre au Peuple de Dieu, dont des extraits sont reproduits dans ce numéro. Il y condamne « avec force ces atrocités » et entend « redoubler d’efforts pour éradiquer cette culture de mort », car « les blessures ne connaissent jamais de “prescriptions” ».
Après sa publication, des médias, des associations, des personnes demandent à l’Église que les prises de paroles soient suivies d’effets. Sans chercher à détourner le regard des conversions que nous avons à vivre, je veux évoquer ce que nous cherchons à faire dans le diocèse. En effet, si jusqu’à des années récentes, l’institution catholique n’a pas suffisamment pris la mesure de ces scandales, le discours et les actes à poser sont aujourd’hui très clairs : les victimes que sont les enfants doivent compter en premier ; il faut juger les coupables et les empêcher de nuire, en faisant un signalement au Procureur de la République. Un crime sexuel est d’autant plus abominable qu’il est commis par des hommes consacrés à Dieu.
Le propos du Pape est sans ambiguïtés : priorité aux victimes de tout type d’abus pour qu’elles « puissent trouver une main tendue qui les protège et les sauve de leur douleur ». Cette priorité s’inscrit dans les faits : bien sûr, je suis disponible pour recevoir les victimes qui le demandent. Nous savons l’importance de l’écoute par un représentant de l’Église. Mais je sais aussi la difficulté de la rencontre pour certaines victimes, ou le refus, pour d’autres, de parler avec un évêque ou un prêtre. En France, chaque diocèse ou groupe de diocèses a constitué une cellule d’accueil et d’écoute de personnes victimes d’abus sexuels. Pour les cinq départements de la région, cette cellule est joignable par l’adresse-mail : paroledevictimespaysdeloire@gmail.com.
Les personnes catholiques qui composent la cellule ont été sollicitées pour leurs compétences professionnelles : ancien magistrat, avocat, psychologue, pédopsychiatre, infirmière scolaire. Elles sont là pour écouter et éventuellement conseiller les personnes dans les démarches qu’elles auraient à faire près d’institutions judiciaires, de médecins, de psychologues, ou d’accompagnateurs spirituels.
Face à la douleur des victimes, le Pape demande à la communauté ecclésiale de poursuivre les efforts pour lutter contre ce fléau. C’est le travail de prévention. Ici, les responsables de paroisses, mouvements et aumôneries de jeunes, écoles catholiques, ont reçu, la plaquette publiée par la conférence épiscopale de France : « Lutter contre la pédophilie ». Ce document, s’il est travaillé, est un outil précieux pour informer et former. Des réunions ont déjà eu lieu, et d’autres vont se dérouler au cours de l’année. Le service de la Pastorale familiale, les membres de la cellule d’accueil et d’écoute peuvent donner des noms d’intervenants pour favoriser l’information et l’échange. Pendant les six années de formation au séminaire, les futurs prêtres abordent de manière précise, la vie affective et sexuelle, l’engagement au célibat, les pathologies et blessures liées à l’affectivité, l’accompagnement des personnes et cela, non seulement avec leurs professeurs et accompagnateurs, mais lors de sessions avec des psychiatres.
Dans sa lettre, le Pape François dénonce le cléricalisme, comme une des explications de ces scandales à grande échelle. Sans doute, évêques, prêtres, diacres, personnes laïques ont à veiller à la manière d’exercer leurs responsabilités comme des services à vivre et non comme des privilèges à protéger. La tentation du cléricalisme peut être évitée si nous prenons les moyens de relire nos engagements et nos responsabilités avec d’autres, en ayant le désir d’accueillir les lumières et les interpellations qui nous encourageront et nous aideront à corriger nos trajectoires. Ce peut être le rôle des EAP, des assemblées paroissiales, des services diocésains, des conseils de l’évêque. C’est aussi le rôle des mouvements, des équipes fraternelles de foi qui nous confrontent à l’Évangile, à la parole des chrétiens qui nous entourent et du monde dans lequel nous sommes. J’encourage chacun à s’interroger sur sa participation à une équipe.
En ce début d’année pastorale et dans ce contexte où des informations pénibles nous parviennent, je pense aux victimes, à leurs souffrances et à leurs colères. Je pense aussi aux prêtres du diocèse. Ils souffrent chaque fois que sont évoqués certains de leurs confrères qui ont trahi leur engagement. Oui, hélas, il y en a. Mais, combien de centaines de prêtres fidèles, gardés par la grâce de leur ordination, et d’autres remis dans la grâce par la conversion et le pardon ! En pensant à eux, je veux leur dire mon estime et mon affection, ma gratitude et mes encouragements pour aborder cette nouvelle année pastorale.
Dans quelques jours, nous célébrerons la fête de la Croix Glorieuse et Notre- Dame des Douleurs. Je demande que ces journées soient vraiment des journées de prière et de jeûne pour ceux qui le peuvent, pour les victimes, les coupables, l’Église, notre diocèse. Que le Christ crucifié et ressuscité nous sauve et nous établisse fermement sur le chemin de la Vie et de l’Amour vrai.
+Jean-Paul James
évêque de Nantes
(ELA n° 85 – septembre 2018)