Nous avons vécu, le 17 octobre dernier, en la Basilique Saint-Donatien, l’entrée dans la phase diocésaine préparatoire au Synode des Évêques. La synthèse diocésaine de cette consultation est attendue à la fin du mois de février prochain. Voilà un délai bien court me direz-vous et pourtant, je suis habité d’une grande espérance.
Ma première raison d’espérer réside dans le fait qu’avec ce synode des évêques, le Pape va à l’essentiel. Il nous oblige à penser l’Église non pas comme une fin en soi, qu’il faudrait préserver de tout changement, mais comme le moyen par lequel Dieu veut témoigner de son Évangile de Salut au monde ! Résonnent ici les premières lignes de la constitution sur l’Église du Concile Vatican II : « L’Église étant, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain ». Et si elle est ce signe et ce moyen que Dieu se donne pour s’unir aux hommes, alors elle est réformable (« ecclesia semper reformanda ! »). Elle doit sans cesse se mettre à l’écoute des appels du monde pour discerner avec tous ses membres, dans le souffle de l’Esprit, les chemins à emprunter pour lui annoncer d’une manière renouvelée les merveilles de Dieu.
Se mettre en route, marcher ensemble, en grec « sun-odos », c’est l’étymologie du mot « Synode ». L’Église n’est pas une institution froide, figée, rigide et verticale, mais un peuple en marche, un peuple de pèlerins qui chemine au cœur de l’histoire humaine afin d’y faire résonner la belle musique de l’Évangile et lui indiquer le soleil du Ressuscité comme terme de sa route.
Faire cette expérience synodale, c’est revenir à cet essentiel de notre vie en Église qui consiste d’abord à laisser la parole advenir, à l’accueillir et à discerner ce que l’Esprit nous dit à travers elle. Je vous encourage à vivre cette expérience bien-au-delà des cercles habituels de vos paroisses, services, mouvements d’Église et établissements catholiques d’enseignement. Ne soyez pas seulement la voix des « sans-voix », mais permettez aux « sans voix » de donner de la voix… Partez à la rencontre de ceux vers qui vous n’auriez jamais pensé aller, afin de partager la stupéfaction de Pierre et de ses compagnons qui découvrent que même sur les « païens » l’Esprit a été répandu.
« Marcher ensemble », guidés par l’Esprit-Saint et se mettre à l’écoute les uns des autres, mais pour parler de quoi ?
Là est ma deuxième raison d’espérer. Pour parler de l’essentiel, du seul sujet qui doit nous occuper : l’annonce de l’Évangile. Le document préparatoire du synode nous interpelle : «Puisque nous sommes tous des disciples-missionnaires, de quelle manière chaque baptisé est-il convoqué à être acteur de la mission ? » comment se vit la complémentarité des diverses vocations pour l’annonce de l’Évangile ? Quelle est la qualité de notre présence au monde ? Comment encourageons-nous l’engagement des baptisés dans la construction d’une société plus juste et plus fraternelle ?
Parler de l’évangélisation, c’est parler de la manière dont, entre nous, nous vivons en « amis dans le Seigneur » pour reprendre cette belle expression d’Ignace de Loyola, « car – nous dit Jésus – c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on reconnaitra que vous êtes mes disciples ». Quels sont les lieux et les modalités de dialogue dans nos communautés ? Comment sont gérées les divergences de point de vue, les conflits et difficultés ? Comment est vécue la collaboration entre paroisses, services diocésains, mouvements d’apostolat des fidèles, établissements catholiques d’enseignement ? Comment favorisons-nous la participation de tous aux décisions ? Ces mois d’échange doivent être l’occasion d’évaluer nos structures délibératives, de regarder aussi comment les acteurs de la mission exercent leur responsabilité.
Ma troisième raison d’espérer : cette phase préparatoire du Synode vient déchirer le ciel de notre Église obscurci par les noirs nuages des révélations du rapport de la CIASE qui, dans l’ampleur du nombre d’enfants et de jeunes abusés et des manquements coupables des responsables de notre institution, ont provoqué humiliation, honte et colère, parce que c’est la Bonne Nouvelle de l’Évangile et l’Église, corps du Christ en ce monde, à travers chacun de ses membres, qui ont été trahis et salis.
Cette phase préparatoire du Synode va interroger l’Église précisément là où naissent les abus : quand celui qui a l’autorité oublie que le Christ, qui a pris le tablier de serviteur, est source de son autorité, et qu’il s’érige en maître tout-puissant, trahissant ainsi Celui qui a dit et vécu jusqu’au don de sa vie ces quelques paroles : « Les rois des nations les commandent en maîtres, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler bienfaiteurs. Pour vous, rien de tel ! Au contraire, que le plus grand d’entre vous devienne comme le plus jeune, et le chef, comme celui qui sert. Quel est en effet le plus grand : celui qui est à table, ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. » (Luc 22, 25-27)
Mgr Laurent PERCEROU
Évêque de Nantes
paru dans ELA n° 119 – novembre 2021